Clubhouse est la plus récente innovation américaine en termes de réseaux sociaux. La pratique de ce salon de conversation audio se répand à la vitesse de l'éclair en Europe. Et, selon une mauvaise habitude française, le premier réflexe est de lui mettre la CNIL sur le dos. Dans notre pays à l'administration hypertrophiée, ce qui marche est suspect.
Clubhouse est la dernière sensation venue de la Silicon Valley. Il s’agit d’un réseau social audio, qui permet à ses utilisateurs de se regrouper dans un salon virtuel pour avoir une conversation. Pour entrer sur le réseau, vous devez être parrainé par quelqu’un déjà inscrit. Pour l’instant, l’application n’est chargeable que sur I-phone. Mais elle a déjà un succès inouï: deux millions d’utilisateurs hebdomadaires. Et en France, on devrait atteindre les 100 000 avant le 1er avril 2021. l’application, dont l’entreprise fondatrice a déjà levée 100 millions et réuni 180 investisseurs, est déjà valorisée à un milliard de dollars !
Imaginez que vous vous vouliez avoir votre propre émission culturelle: vous programmez un débat à une heure donnée avec d’autres membres du réseau. Chaque inscrit peut voir ce qui est programmé en fonction de ses centres d’intérêt. Et suivre des débats passionnants sur l’écologie, la restauration de Notre-Dame, l’incendie d’OVH ou les ratés de la politique de vaccination contre le COVID. Rien n’est enregistré, ce qui, disent les participants, laisse beaucoup plus de spontanéité au débat. En outre, n’importe quel auditeur peut demander à intervenir. Certains rêvent de poser une question à un chef d’entreprise, un réalisateur de cinéma ou un ministre. D’autres, simplement, veulent faire le tour d’une question avec des connaisseurs.
La CNIL envisage de déclencher contre Clubhouse ses "pouvoirs répressifs"
Si vous aviez décidé de participer à une expérience répétée d’intelligence collective et de profiter de la créativité continue qui caractérise l’innovation aux Etats-Unis, il y a heureusement un rabat-joie officiel qui va vous ramener dans la grisaille française. En effet, comme on peut le lire sur le site de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés: « Saisie d’une plainte, la CNIL a interrogé le 12 mars dernier la société américaine Alpha Exploration CO., Inc., éditrice de l’application « Clubhouse », sur les mesures prises pour respecter le RGPD ». Pourquoi pas? Qui ne serait soucieux des données personnelles et de la vie privée? Mais pourquoi se précipiter avant que l’on ait vu le développement des usages, la capacité des communautés d’utilisateurs à façonner l’évolution du réseau? Non, la Commission veut intervenir tout de suite, a priori: « S’il était confirmé que l’application éditée par cette société ne respecte pas le RGPD, la CNIL pourra, le cas échéant, faire usage de ses propres pouvoirs répressifs. ». il faudrait donner ce texte à lire à Fabrice Luchini: imaginez-vous la charge qu’il mettrait dans ces deux mots, « pouvoirs répressifs ». Pas simplement « pouvoirs » ! Il faut ajouter qu’ils sont « répressifs » pour mieux faire sentir comme la France est la championne toutes catégories du contrôle.
Et comment faites-vous pour monter que vous pesez face à une application plébiscitée internationalement? Eh bien vous vous revendiquez d’une collection de signatures: « Par ailleurs, une pétition rassemblant à ce jour plus de 10 000 signatures circule actuellement pour alerter la CNIL sur de possibles atteintes à la vie privée par l’application Clubhouse« . Effectivement, cette pétition existe. Elle en est actuellement à 15 000 signatures. Mais n’est-il pas choquant que la Commission prenne aussi vite parti publiquement alors qu’il y a un rapport de 1 à 10 entre le nombre de signataires et celui des utilisateurs français ? Que peut-il sortir de bon de la précipitation, sinon le fait de renforcer notre pays un peu plus dans une culture de la défiance, peu propice à l’innovation? Il devrait y avoir un juste milieu entre le laissez-faire, des années durant, vis-à-vis de Facebook et le zèle, tout d’un coup, à règlementer une aventure entrepreneuriale naissante !
Tout va bien, pourtant: pendant qu’aux Etats-Unis on innove, en France on contrôle !