Un an d'enfermement déjà! Le 11 mars 2020, les résidents d’EHPAD étaient les premiers d’entre nous à se voir imposer séance tenante un confinement strict. Un an plus tard, pour les rescapés de l’hécatombe du printemps dernier, la situation n’a guère changé : la vie entre quatre murs se déroule désormais en mode « stop and go », entre longs tunnels de quasi-détention et rares parenthèses de desserrement de l’étau.
Magali Soulatges
Le grand enfermement de nos aînés
Les familles des résidents d’EHPAD ne sont plus depuis longtemps admises dans les chambres, pourtant censées être le domicile privé dans lequel chaque résident doit pouvoir recevoir qui il souhaite, quand il veut. Au fil des mois, les conséquences désastreuses de cet enfermement de nos aînés et de la mise à l’écart de leurs proches, tant sur le plan physique que mental, sont apparues suffisamment délétères pour susciter un nombre croissant de réactions, du témoignage personnel sur les réseaux sociaux jusqu’à des actions judiciaires de groupe, en passant par la publication de tribunes libres et de dossiers dans de grands journaux, l’interpellation directe des pouvoirs publics par des associations de « victimes du Covid », ou encore des communiqués officiels d’instances du secteur médico-social. Un mouvement qui connaît une ampleur nouvelle depuis quelques temps, porté par des collectifs de plus en plus impliqués et de mieux en mieux organisés, misant sur une visibilité accrue auprès des autorités sanitaires et du grand public.
Une bureaucratie, ça n’entend pas
Cette salutaire montée en puissance de la réaction, pour ne pas dire de la révolte, face au sort réservé à nos aînés en EHPAD s’explique amplement par l’épuisement moral des « proches aidants » confrontés depuis une année à l’invivable. Elle s’explique aussi par une actualité juridique récente : le 3 mars, saisi par des familles, le juge des référés du Conseil d’État est en effet revenu sur la « suspen[sion] jusqu’à nouvel ordre » des sorties des résidents telle que « recommandée » par le Ministère de la Santé dans une circulaire du 28 janvier, jugeant la mesure disproportionnée au regard de l’avancement de la vaccination dans les EHPAD, en même temps qu’attentatoire à la liberté constitutionnelle d’aller et venir de tout un chacun. Habilement toutefois, le CE renvoyait dans le même temps l’interprétation de ses conclusions aux directions d’établissement en promouvant l’échelon local et le « cas par cas ». Deux jours plus tard, le 05 mars, sous couvert d’une « adaptation des mesures de protection […] face à la propagation de nouvelles variantes du SARS-Cov-2 », tombait la réponse du berger à la bergère, sur l’air technocratique bien connu du « oui… mais non », soit un sabotage en règle de l’ordonnance du CE par les autorités de Santé. Il semble que des familles à juste titre exaspérées, appuyées par des gériatres, aient dès la parution de cette circulaire hypocrite engagé d’âpres négociations en faveur d’un adoucissement des préconisations délivrées : le 12 mars une nouvelle circulaire est publiée, qui arrondit un peu les angles… mais pas trop. Présenté à grand renfort de communication par la Ministre déléguée à l’Autonomie, ce que l’on pourrait renommer le « protocole Bourguignon » atténue, il est vrai, certaines rigueurs de la circulaire du 05 mars — il corrige en particulier, quoique du bout des lèvres, la disposition discriminatoire conditionnant les sorties au statut vaccinal du résident, et insiste sur la nécessité de décisions collégiales appuyées sur la consultation du CVS [Conseil de la Vie Sociale, où siègent des représentants de familles], instance plus ou moins fantôme de l’organigramme des structures. Mais sur le fond comme sur la forme, ce qui est concédé au nom de l’« allègement post-vaccinal des mesures de protection » dément la lecture optimiste hâtivement faite par les médias. Non : au bout d’un an de réclusion, nos aînés en EHPAD ne sont pas « enfin libres », et leur « retour à la vie sociale » ne devrait pas intervenir avant la date des calendes grecques.
“Le soin est d’abord un humanisme” (C. Fleury)
D’une part, sans grande surprise, le protocole du 12 mars est rédigé de telle sorte — prose et logique administratives obligent — que la mise en œuvre de ses préconisations revient peu ou prou, pour les directions d’EHPAD, à devoir mettre en place et gérer une usine à gaz ; tandis que résidents et familles se voient eux imposer des mesures sanitaires renforcées, qui n’« allègent » donc rien, transformant la simple promenade hors-les-murs en une expédition de l’extrême. Un dispositif clairement dissuasif, dans la droite ligne de la séquence des sorties « dans les familles » à l’occasion des fêtes de fin d’année, elle aussi vendue (et médiatisée) comme un grand moment éthique, mais au succès médiocre compte tenu de sa quasi-infaisabilité, concrètement. S’agissant des EHPAD d’autre part, les intentions du gouvernement, fussent-elles les meilleures ou affichées telles, ont tôt fait de se fracasser sur le mur de la réalité, le Covid, comme pour les hôpitaux, ayant passablement accentué des dysfonctionnements bien antérieurs à la crise sanitaire. Ce qui ressort des nombreux témoignages remontant aujourd’hui de familles, mais aussi de soignants, est accablant. L’on y trouve une déclinaison sophistiquée du paradigme de l’enfermement assorti d’une confiscation des libertés fondamentales, ce au nom d’un impératif de protection sanitaire des plus fragiles interprété de façon rigide, si ce n’est rigoriste. Quand protéger revient à cloîtrer, isoler, surveiller, interdire, etc., sans que la moindre faute ait été commise sinon celle d’oser vivre encore, ni qu’un juge ait légalement prononcé la peine, n’en oublie-t-on pas que l’EHPAD ne saurait être confondu avec une prison, et que « le soin est [d’abord] un humanisme », selon la belle proposition de Cynthia Fleury ? Difficile dès lors de recevoir la circulaire du 12 mars autrement que comme un énième « coup de com’ », d’autant plus déplacé et suspect d’insincérité que sa rhétorique et sa présentation officielle surjouent le geste de la largesse empathique. Peu d’établissements d’ailleurs, à en juger par les premiers retours de terrain, n’ont à ce jour estimé urgent, deux semaines après la parution du nouveau protocole, de mettre en place les assouplissements préconisés, sinon de manière marginale ou extrêmement restrictive.
Une maltraitance institutionnelle qui laissera des traces profondes dans le corps social
Pour nos aînés résidant en EHPAD, souvent à leur corps défendant, le bilan de l’année écoulée reste ainsi sans appel, même si l’engagement remarquable de la grande majorité des soignants dits de « première ligne » doit être rappelé, et salué. Verticale, insensible, cramponnée à un discours technique saturé d’éléments de langage, la technostructure sanitaire sous régime Covid s’est imposée, et s’impose hélas encore, comme une effroyable machine à broyer les individus, actionnée depuis le sommet du système jusqu’à sa base, via l’échelon-clef des ARS, rouages hégémoniques derrière lesquels les gestionnaires de structures se retranchent toujours in fine pour expliquer des mesures inhumaines, et justifier l’injustifiable. La puissance du zèle déployé, à chaque niveau de cette technostructure, pour balayer sans ciller ce qui au bout du chemin fonde encore une existence, continue de sidérer. Par l’effet cumulé de l’isolement, de la mise entre parenthèses du lien avec les proches, de l’escamotage des libertés, et des petits arrangements avec le « consentement éclairé », tous imposés sans que ni résidents ni familles n’aient eu leur mot à dire dans ces arbitrages, la dignité malmenée de nos aînés est aujourd’hui perçue comme un scandale de plus dans la gestion erratique de la crise sanitaire par le gouvernement. Un scandale que les proches aidants dénoncent à présent ouvertement, jusqu’à avancer le mot de maltraitance institutionnelle : palpable dans leurs témoignages, l’indignation semble alors vouloir rendre, mesure pour mesure, la violence psychologique subie depuis un an, à travers des accusations et des demandes de reddition des comptes formulées en des termes souvent sévères — « il est grand temps de dénoncer haut et fort nominativement chaque EHPAD pour qui le sens de l’humain a perdu toute valeur », fait valoir sur un réseau social l’initiatrice d’un hashtag #balanceTonEhpad. Comme dans bien d’autres domaines, le Covid aura été, au fond, le révélateur sans concession des limites d’un modèle, à repenser ici impérativement. Tous les EHPAD ne méritent certes pas d’être « balancés », mais rares semblent malgré tout ceux qui, dans leur fonctionnement administratif chimiquement pur, ne jettent pas aujourd’hui sous une lumière crue la consternante faillite du discernement et le renoncement tout aussi déplorable à un certain courage : celui de défendre avec intransigeance les libertés et les droits fondamentaux des plus vulnérables, premier gage d’un soin réellement humaniste.
Ordonnance du CE du 03 mars :
Circulaire du Ministère de la Santé du 06 mars :
https://fr.calameo.com/read/006557038ba5b2310cfd9?page=3
Circulaire du Ministère de la Santé du 12 mars :
Rapport de Fabrice Gzil remis à Brigitte Bourguignon : Pendant la pandémie et après. Quelle éthique dans les établissements accueillant des citoyens âgés ? Un document repère pour soutenir l’engagement et la réflexion des professionnels, janvier 2021
https://www.espace-ethique.org/sites/default/files/document_repere_ethique_ehpad.pdf
Emmanuel Hirsch et al., Pandémie, mode d’emploi, 22 février 2021 :
Cette analyse est bonne, mais doit prendre en compte plusieurs décennies de refus, par le monde politique, des propres préconisations et affirmations favorables aux EHPADs, notamment en matière de personnel et d’attractivité de métier, Et d’égalité territoriale . C’est ce que j’exprime dans mon dernier ouvrage : « grand âge : l’envers du décor. Essai sur les EHPAD face à la maltraitance politique »
L’objectif depuis le début du “coronacircus” est de casser tout lien social, familial, etc … pour faciliter la mise en place de la DICTATURE du NOM ! (la santé a bon dos !).
L’objectif est de faire crever un maximum de vieux ! La plupart ne meurt pas du covid mais de détresse !
Et toutes les mesures prises par le “ministre de la propagande et de la peur” faussement appelé “ministre de la santé” et relayées par les ARS puis par les directions d’EHPAD dont certaines font beaucoup de zèle, n’ont qu’un seul et unique but PROMOUVOIR LA VACCINATION ! Il suffit de lire les instructions pour s’apercevoir qu’il y a un CHANTAGE A LA VACCINATION ! Les NON VACCINES et leur famille étant discriminés ! TESTS DE DEPISTAGE COVID IMPOSES A CHAQUE VISITE !!! Avec 2 tests à J+4 puis à J+7 IMPOSES AUX RESIDENTS !
Donc le message est le suivant : “FAITES VOUS VACCINER ET VOUS N’AUREZ PLUS A SUBIR LESDITS TESTS !”
Technostructure sanitaire et humanisme sont antinomiques.
Et malheureusement la première est entrain d’envahir tout l’espace social.