Jean-Paul Belmondo était détesté (parce qu’il avait réussi) et méprisé (parce qu’il était populaire) par tout ce que la France compte d’intermittents du spectacle récapitulant laborieusement leurs heures à la fin de chaque trimestre, vomissant le manque de solidarité envers la culture dans ce pays de Gaulois réfractaires dominé par un néo-libéralisme éhonté. Il est si agréable, si jouissif, si rassérénant de maudire tous ces Français d’extrême droite, poujadistes, intolérants, islamophobes, quand on râcle les fonds de tiroir pour trouver les 507 heures qui permettent d’être payé (grâce aux cotisations ponctionnées sur le salaire des mêmes islamophobes) pour faire de l’art approximatif et de la « culture », mot générique qui désigne d’ordinaire un gloubi-boulga prétentieux et indigeste dont l’objet est de faire du cachet bien avant d’élever l’âme…
Et Bébel était probablement l’incarnation la moins honteuse, la mieux assumée, la plus scandaleuse, de cette France du petit commerçant, du gouailleur, du beauf vomi par le Canard Enchaîné pendant des années, qui adule l’indépendance d’esprit et le réflexe contrarien par lequel les esprits vraiment libres répugnent à aboyer avec la meute. Qui plus est, l’interprète de l’As des As qui combat Hitler avec l’arme du ridicule avait eu le mauvais goût de commencer sa carrière avec la Nouvelle Vague, grâce à laquelle il devint une icône du cinéma d’auteur. Il était au fond l’antithèse de l’intermittent subventionné.
Mais comment un acteur qui avait tout pour incarner la pédanterie des prétendus intellectuels français avait-il pu sombrer dans des rôles populaires, voire populistes, qui l’ont déshonoré ? Cette question donne une place, à Jean-Paul Belmondo, au fond assez proche d’un Michel Sardou : si l’homme a rencontré un succès populaire profond, intense, il était méprisé par la nomenklatura de gauche, aux yeux de laquelle l’indépendance d’esprit et la solitude dans la réussite sont autant de défaites pour la culture soviétisée dont le modèle s’est imposé en France, à force « d’exception culturelle » et de subventions plus ou moins directes du ministère de la Culture.
Jean-Paul Belmondo était-il le plus grand libertarien français ?
Eh bien ! moi, j’aimais Jean-Paul Belmondo, et je recommande à chacun de retrouver sa filmographie sur Netflix, qui donne une superbe représentation non du Belmondo des intellos de gauche pour qui la carrière de l’acteur s’est limitée à Pierrot le Fou et à Godard, mais du Bébel qui a émaillé des chefs-d’oeuvre comme le Marginal ou Flic ou Voyou. Je choisis intentionnellement ces deux exemples, parce qu’ils font merveilleusement écho à l’oeuvre de Clint Eastwood et de l’inspecteur Harry, chez nos frères américains, eux-mêmes répugnés par la prise de pouvoir, dans les années 70, qu’une caste de managers bienveillants et ronronnants, bénéficiaire de Mai 68, a orchestré à son plus grand profit.
Pour de nombreux Français, Belmondo a incarné ce feu sacré du combat singulier contre ce qui se complaît dans le collectivisme de la défaite. On pense ici tout particulièrement au Marginal, dialogué par Michel Audiard en 1983, où un flic hors norme poursuit son objectif de justice malgré la bureaucratie corrompue qui s’accommode très bien d’un statu quo dysfonctionnel.
Le jeu aérien de Belmondo dans ce film confine au génie. Il nous rappelle qu’à une époque, le cinéma français ne se complaisait pas dans une longue geignardise immuno-déprimée. Il en voulait, il portait une vision, une envie, un désir de vivre, qui manque cruellement à nos oeuvres depuis que les subventions ont remplacé le chiffre d’affaires produit par les entrées.
Et c’est ce libertarisme que nous aimons dans Belmondo : ce combat de l’individu porteur d’un feu sacré contre la conspiration des médiocres qui tire profit d’un système dont les petites gens sont les victimes finales.
Les Français sont des libertariens en puissance
Il fut donc un temps où, pour être une vedette du cinéma français, il fallait en imposer. Des cascades, des répliques gouailleuses, de la présence, de l’individualisme au fond : telles étaient les recettes de la réussite populaire.
Eh oui ! les Français ont aimé cela, à une époque lointaine où le débat public n’était pas saturé par la disparition de la planète, par le Vivre Ensemble et par la tyrannie des minorités. Être un acteur signifiait prendre des risques pendant le tournage, et incarner des rôles où l’on ne se cachait ni derrière son petit doigt, ni derrière des répliques pleurnichardes et pleines de bons sentiments, ni derrière un éloge de toutes les opinions à la mode.
Et ce courage-là, on l’aime.
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Merci, superbe éloge non seulement d’un homme mais aussi des valeurs qu’il a si bien sûr porter
Hommage intéressant et assez juste.
Cependant de mémoire je crois que Belmondo n’a jamais fait de grandes déclarations politiques.
(Ce qui a dû froisser certains qui ont dû le soupçonner de ne pas être de gauche).
Cependant, quand vous parlez de libertarien, vous le faites au sens états-unien du terme? Qu’on pourrait qualifier rapidement « Anarchiste de droite »?
????
Les goûts et couleurs.
J’ai pareillement visionné les films de Belmondo ces derniers mois, est apparue une évidence, je dirai qu’il s’agit d’une confirmation, ce type jouait comme un pied. Certes l’homme est intéressant à bien des égards, mais son jeu d’acteur est au rang du pourtant inégalable Jean Pierre Léaud l’acteur fétiche de François Truffaut.
Quand Bebel tient un rôle on voit Bebel, c’est Bebel, encore et toujours Bebel, tant est si bien que le film « Le Professionnel » est devenu une musique de pub pour croquettes animales, Bebel… Tout de même, la scène finale transpire le nanar à plein nez !
Ma définition de l’acteur est qu’il disparaisse derrière le rôle, et non pas qu’il se substitue au personnage, à ce titre, une performance remarquable est à mettre au compte de Jamie Fox dans « Ray », alors que cet acteur est plutôt catégorisé gros bras, en endossant le rôle de Ray Charles, il disparaît complétement, il est l’incarnation du personnage.
Un des rares monstres du cinéma français reste et restera Delon : Plein Soleil, Rocco et ses frères, Le Guépard, Mort d’un pourri, Pour la peau d’un flic, La veuve Couderc, Mélodie en sous-sol, film dans lequel il est un des rares acteurs à tenir le rôle face à Jean Gabin, Belmondo était certainement dans un de ses plus grands rôles face au même Gabin dans « Un singe en hiver » mais tout de même sous la presse du maître Gabin quand on y regarde de près.
Je concède que tout vieilli, les films de Bebel particulièrement, Delon est comparativement préservé de cet effet daté, son jeu est sublime, ses choix s’avèrent avec le temps remarquables.
Bébel c’est un peu comme Fernandel, acteur caricatural que tout le monde aimait et aime encore mais dont nous allions voir les films pour Fernandel qui jouait Fernandel.
Après, Belmondo libertarien ? je ne vois pas, chaleureux, sympathique, vivant, mais libertarien ?
Assez d’accord concernant Belmondo, j’ai vu pas mal de ses films (pas tous) et je trouve aussi que Belmondo faisait souvent (et très bien) du Belmondo. Je pense que les Français populaires se reconnaissaient en lui (gouailleur, bon vivant, charmeur sportif). Après on peut faire de très bons films, populaires en jouant toujours le même type de personnage (Will Smith à part son interprétation d’Ali me semble assez proche de Belmondo.)
Alain Delon lui était selon moi trop beau, trop star (au sens étoile, distant du commun des mortels) pour être autant aimé par un peuple égalitaire comme les français.
Après cette notion de libertarien me pose problème dans un contexte franco-français: dans un pays où l’Etat a autant de poids, comment peut-on vouloir un Etat réduit? Je trouve cela assez paradoxal.
Syko.
Yes, Will Smith est prisonnier de lui même, ce sont ce que je nomme des acteurs caricaturaux, pas mauvais mais ce sont eux avec leurs éternelles mimiques.
Yes encore pour Delon, la beauté du diable, ce qui la desservi pendant des années, mais à visionner ses films il en ressort une impression d’œuvre.
Libre je le suis, depuis ma naissance, je ne vais pas raconter ma vie mais croyez bien qu’elle en atteste.
Là ou je rigole, c’est avec les prétendus libéraux, ces gens sont des communistes qui s’ignorent et n’arrivent pas à percevoir leurs similitudes avec le communisme. D’autant plus que se revendiquer libéral est à l’instar du socialisme impossible tant les déclinaisons sont nombreuses.
Concernant le supposé libertarianisme de Belmondo j’ai du mal à suivre Werhaeghe ?
La France sans ne rien perdre géographiquement se réduit, elle n’est pas seule dans ce cas, c’est notre monde qui se réduit, jamais nous n’avons eu une espérance de vie plus grande, jamais nous n’avons autant eu l’accès au savoir, jamais les masses ont été aussi manipulables, conséquence d’un abrutissement généralisé.
Pour revenir au cinéma, depuis 15 ans au moins je me suis replié sur celui anglais, acteurs géniaux, films d’auteurs avec des scénarios qui tiennent la route, Guy Ritchie étant l’un des plus emblématiques représentant.
De toute façon, comme pour bien d’autre chose, Covid a accéléré un mouvement de décadence, le cinéma ne produit plus rien, surtout en France, suiveuse des USA, ils font de l’écologie, du féminisme, du LGBTisme, de l’antiracisme, mais du cinéma point.
Ben alors, Joseph, il vous a fait quoi Bébel ?
Ah, oui…il jouait comme un pied….selon vos dires
Entre un qui n’a su jouer que de son regard « ténébreux » qui fit se pâââmer toutes les midinettes de l’époque, et qui grâce à celui ci, eût toutes les portes grandes ouvertes, et l’autre qui simplement « était » et auquel bien des français s’identifiaient, je préfère de loin le côté macho/gentil.
Vous-savez, une certaine frange de la population, d’ailleurs très bien décrite par notre hôte dans ce post, avait, a et aura toujours un manche à balai dans le fondement.
Ce sont les mêmes qui ne rient jamais à une saillie graveleuse, voire s’en offusquent, alors que la majorité des gens sait bien que c’est une source inépuisable de franche rigolade et de fous rires – c’est d’ailleurs là que le bât blesse, parce que ces gens intellectualisent la vie au lieu de la vivre… et pire, certains de ceux-ci prétendent nous apprendre la vie – nous en avons actuellement quelques exemplaires qui traînent dans le palais de l’élysée et à l’hôtel matignon, encore que ceux-ci nous haïssent en plus du reste.
Réponse tardive á Elisabeth.
Justement, Belmondo ne m’a rien fait, je ne change pas une virgule á mon commentaire du 26/03/21. Moi aussi je suis macho car tout simplement ça veut dire homme…
Belmondo était un type sympathique, mais un acteur médiocre, c’est un De Funés en muscle plus une belle gueule. Belmondo jouait Belmondo qui jouait Belmondo, un charisme incontestable mais un acteur qui justement ne m’a rien fait.
Si on parlait de Denner ? second rôle de luxe qui surpassait par son jeu votre gentil macho…
Bel éloge de magnifique acteur !
Tout est dit et fort bien.
Gamin, je me rappelle de l’évènement qu’était la « sortie du dernier Belmondo » annoncée à la TV, le lendemain, c’était réunion du comité consultatif des morveux et application de sa résolution invariable : « on va le voir samedi » 😉
Si vous ne connaissez pas cette excellente video :
https://www.facebook.com/konbinifr/videos/%C3%A9ric-neuhoff-d%C3%A9monte-le-cin%C3%A9ma-fran%C3%A7ais/491885731654283/
Merci Eric.
La « gôôôcchiiaaassseerrrie » en prend plein la gueule et j’aime ça.
Bébel boxeur, en vous lisant, va apprécier vos uppercuts et vos directs !
Vous avez du en mettre quelques uns KO !????
Libertarien je ne sais pas, moi je dirais Français né juste avant la guerre. Affaire de génération. Je voudrais rappeler les chefs d’œuvre que sont ses films d’aventure des années 60: Cartouche, Les tribulations d’un Chinois en Chine, L’homme de Rio… Dans les films noirs Delon est meilleur grâce à son passage chez Henri Verneuil et Jean Pierre Melville. Mais oui, c’est indiscutable, Belmondo restera cet impérissable souvenir d’une France disparue méprisée et remplacée par la vague socialo à partir de Mitterrand &les 40 voleurs cultureux.
Moi aussi je l’aime beaucoup notre Bébel ! Il n’a pas la grosse tête, garde sa gouaille et son rire.
Ça change de nos acteurs et actrices, féaux de la boboïtude gauchisante parisienne.
Ne généralisons pas, même s’il est vrai qu’une majorité des acteurs français est à jeter par la fenêtre (et achétée par la gôche) – il y a sur YT une très belle interview de Gérard Jugneau, effectuée en Suisse dans laquelle, mine de rien et en quelques phrases bien senties, il descend en torche le cinéma sur-subventionné.
« Il (Belmondo) nous rappelle qu’à une époque, le cinéma français ne se complaisait pas dans une longue geignardise immuno-déprimée. Il en voulait, il portait une vision, une envie, un désir de vivre, qui manque cruellement à nos oeuvres depuis que les subventions ont remplacé le chiffre d’affaires produit par les entrées. »
Tout est dit sur le cinéma qui nous distrayait de nos soucis quotidiens, nous amusait, nous entraînait derrière les cascades et le rire de Belmondo. Certes, ce n’était pas un cinéma « cérébral » mais quel plaisir en salle et quelle pêche en fin de séance.
Qui a envie, dans le marasme actuel, d’aller voir des films « sociétaux » ou prise de tête ?
Le cinéma français a eu ses grandes heures et ses grands artistes, hommes et femmes, mondialement connus : ils étaient bons, ils étaient beaux, ils avaient une diction parfaite que la BO ne rendait pas inaudible, ils nous faisaient vivre des aventures que nous ne connaîtrions jamais mais que nous partagions un instant hors du temps.
Qui pourra nous faire rêver désormais ????