Déception à l’OMS sur les brevets libres pour le COVID

Déception à l’OMS sur les brevets libres pour le COVID


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Déception à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les brevets libres pour le COVID, si cette dernière espérait  vacciner 70% de la population mondiale cette année. En  octobre 2020, l’Inde et l’Afrique du Sud avaient déjà demandé à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) une dérogation inédite en matière de propriété intellectuelle pour les outils médicaux et les vaccins utilisés dans la lutte contre le Covid-19. Cette proposition a été soutenue par une centaine de pays et d’ONG comme Médecins sans frontières, ainsi que par l'OMS. Mais de nombreux grands pays développés européens, le Royaume-Uni, le Japon et les États-Unis en tête, n’ont pas donné leur accord. Au mois de mars dernier, un projet de texte y afférent a été publié et il était en cours d’étude.

MSF (Médecins Sans Frontières) appelle les gouvernements à rejeter ce projet de texte, car il n’apporte pas de solution significative pour faciliter l’accès des populations aux outils médicaux nécessaires dans cette pandémie qui a déjà fait plus de six millions de victimes.

Un projet de texte différent de la dérogation demandée par l’Inde et l’Afrique du Sud

Selon l’Organisation mondiale de la santé, on assiste actuellement à une forte inégalité d’accès aux vaccins contre le COVID-19. Alors que l’OMS vise la vaccination de 70% de la population de chaque pays du monde d’ici la fin 2022.

Récemment, Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, a déclaré  qu’ « un tiers de la population mondiale n’a pas encore reçu une seule dose de vaccin contre le COVID-19, dont 83% de tous les Africains […]Si les riches du monde bénéficient des avantages d’une couverture vaccinale élevée, pourquoi les pauvres du monde ne le devraient-ils pas ? Certaines vies valent-elles plus que d’autres ? »

Dès fin 2020, l’Inde et l’Afrique du Sud ont déjà appelé l’OMC à suspendre exceptionnellement les droits de propriété intellectuelle pour les divers outils médicaux incluant les vaccins, permettant de lutter contre la pandémie.

L’initiative a été soutenue par plus de 100 pays et ONG. Nombreux pays riches, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon, le Canada, le Brésil, l’Australie, la Norvège, la Suisse et l’Union européenne, leur ont même emboité le pas, avant de se rétracter. En mai 2020, Emmanuel Macron avait même déclaré que le vaccin est un « bien public mondial » qui « n’appartiendra à personne, mais nous appartiendra à tous ».

Si l’Europe reste opposée à la levée des brevets, elle a opté pour des « licences volontaires » reposant sur la bonne volonté des producteurs, comme les vaccins COVID accordant des licences à l’initiative COVAX, qui sont pourtant des autorisations monnayées. Ces licences sont accordées par les laboratoires à des entreprises pour fabriquer et exporter leurs vaccins.

Au mois de mars 2022, un projet de texte sur cette « dérogation historique » en matière de propriété intellectuelle pour les outils médicaux COVID-19 a vu le jour. Malheureusement, après l’avoir analysé minutieusement, le MSF demande aux gouvernements de le rejeter en indiquant qu’il pourrait créer un « précédent négatif pour les futurs défis sanitaires mondiaux ».

Selon le conseiller juridique et politique principal pour la campagne d’accès de MSF, Yuanqiong Hu, ce projet de texte n’a rien à avoir avec la proposition de l’Inde et de l’Afrique du Sud. Ainsi, il ne présente aucune solution efficace pour faciliter l’accès aux outils médicaux nécessaires pour éradiquer le coronavirus.

Pour rappel, cette dérogation aux APDIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce) vise à  la renonciation temporaire aux brevets et autres droits de propriété intellectuelle (PI) sur les outils médicaux vitaux pour traiter le Covid-19. L’objectif, c’est de permettre à n’importe quel pays de les produire pour qu’ils soient accessibles facilement.

Le MSF demande aux gouvernements de baser les négociations sur un texte de dérogation efficace, comme celui proposé il y a un an et demi. C’est un moyen de mettre fin à l’inégalité d’accès aux outils de lutte contre le Covid-19 décrié par l’OMS, cette dernière qui souhaite accélérer la vaccination en Afrique .

En effet, si cette dérogation était appliquée, les multinationales pharmaceutiques seraient amenées à laisser d’autres fabricants produire des vaccins, sans que ces derniers aient à leur payer des droits.

Notons que plus de 40 organisations de la société civile ont appelé l’Union européenne d’arrêter toute sorte de pression sur les membres de l’OMC dans le but de faire adopter ce projet de texte dans une lettre ouverte, une initiative soutenue par MSF.

Un projet de texte décevant

Selon le MSF, le projet de texte divulgué à la mi-mars est décevant. En premier lieu, il ne couvre que les vaccins, ce qui signifie que les traitements et les outils de diagnostics ne sont pas pris en compte. En outre, il ne présente aucune solution efficace aux obstacles liés à la propriété intellectuelle non brevetés comme les secrets commerciaux.

Pour le MSF, le projet de texte doit couvrir les vaccins et toutes les technologies médicales utiles à la lutte contre la pandémie, y compris les tests. Par ailleurs, la dérogation doit durer au moins 5 ans, afin de soutenir la fabrication et la fourniture d’outils médicaux COVID-19, y compris les matériaux et les composants nécessaires.

Selon le coordinateur de la campagne d’accès de MSF en Amérique latine, Felipe de Carvalho, il est urgent de prendre une décision efficace, car l’accès aux traitements anti-Covid est de plus en plus difficile dans les pays pauvres ou à revenu intermédiaire. La Colombie, le Brésil, la Bolivie et le Pérou en font partie.  L’accès aux vaccins et médicaments génériques abordables est important en cas de nouvelle vague.

Depuis le début de la pandémie, le Big Pharma a toujours maintenu sa politique de contrôle strict en concluant des accords commerciaux opaques et monopolistiques, excluant les pays pauvres.

Pour rappel, pourtant en 2001, face à l’épidémie de VIH/Sida, la « Déclaration de Doha sur les ADPIC et la santé publique » a accordé le droit des Etats de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux brevets, permettant ainsi aux gouvernements de faire prévaloir la santé publique sur les intérêts des entreprises. Cette demande de dérogation qui a été adressée à l’OMC est une mesure similaire visant à accélérer la riposte face au Covid-19.


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