Le glissement massif de l’Occident (ou s’agit-il déjà du post-Occident ?) dans la pensée magique laisse perplexe la plupart des autres sociétés du monde – y compris la société afghane. À l’instar de la maçonnerie marocaine, l’Afghanistan des Talibans a, lui aussi, bien du mal à décider de la réaction à adopter face à un Occident dont diverses manifestations – en l’occurrence : les tweets d’une diplomate américaine en poste à Kaboul – échappent de plus en plus à la grille de lecture des Sapiens sapiens de l’ère post-chamanique.
En invitant les Afghanes (habitantes d’un pays racialement homogène et fédéré par une religion monothéiste) à s’inspirer de la « magie des filles noires » (afro-américaines et généralement chrétiennes), la Chargée d’Affaires US Karen (sic) Decker a dérouté tout le monde : aussi bien l’Afghanistan urbain, en cours d’intégration à l’Occident pigmenté – pour lequel le progrès est encore censé s’identifier à la rationalité et à des enjeux de développement – que les rigoristes villageois qui (à supposer qu’ils aient pris connaissance de ces facéties) n’ont pu y voir (à tort ?) que la main du Sheytân.
Afghanistan : l’Occident pigmenté à la croisée des fondamentalismes
Finalement, tel ou tel kissingerien oublié par le spoil system démocrate dans un bureau du Département d’État a dû remarquer ce départ d’incendie, et télégraphier à Mme Decker que le wokisme à Kaboul, slava deux minutes.
Pendant que la Karen efface fiévreusement ses tweets comme le premier Jacques Sapir venu, c’est à nous de nous poser la question : en sortant – dans le crépuscule du 3e Occident – de la logique Sapiens, le monde des mégapoles (ou : totalitarisme des Karens) est-il encore capable de comprendre l’univers de ces infâmes mammifères supérieurs bisexués qui parlent des langues autres que l’anglais et se reproduisent via des structures familiales ?
Cette question est particulièrement intéressante en Afghanistan, pays multi-ethnique qui semble attirer irrésistiblement à lui tous les fondamentalismes : d’abord l’Islam politique – qui, en dépit des idées reçues, y a trouvé un terrain assez ingrat, étant donné que seule une infime partie de la société afghane est alphabétisée (en arabe – c’est-à-dire alphabétisée tout court) –, puis cet intégrisme des droits de l’homme dont la rupture avec toute forme de rationalité calcultante, depuis mars 2020, est devenue évidente pour quiconque a des yeux pour voir.