Après avoir fait mine de s’enthousiasmer pour la liste unique Royal aux européennes, Mélenchon abat le projet en plein vol. Analysant la manœuvre dans Challenges, Maurice Szafran y voit un coup prémédité du Leader Mínimo. Il a probablement raison – quoique pas forcément/exclusivement pour les raisons qu’il nous sert.
Fort lucide, l’article de Szafran ne rate certes pas l’énorme éléphant blanc au milieu du salon :
« entre Verts et socialistes d’un côté, partisans acharnés de la construction européenne, et de l’autre des Insoumis qui diabolisent volontiers l’Europe telle qu’elle évolue, les divergences sont profondes »
En d’autres termes : comme leur impossible adhésion à une même famille européenne de partis l’aurait clairement démontré dès le lendemain des européennes (dans l’hypothèse farfelue d’une liste commune), l’alliance de LFI avec l’aile bobo de la NUPES (PS, EELV) est, essentiellement, un malentendu.
Il est donc probable que Mélenchon – comme le suppose Szafran – n’ait laissé Ségolène Royal aller au carton que pour mieux démontrer cette impossibilité, mais tout en faisant retomber sur ladite gauche bobo la responsabilité morale de la désunion. Cette gauche zombie a en effet été la première à refuser l’union – bien décidée (et, vu son avenir politique, comme on la comprend !) à donner aux petits calculs strasbourgeois la priorité sur un projet de gauche populaire française qu’elle vomit.
Front populaire des Femmes blanches, ou Classe contre classe ?
A l’étage tactique, Szafran a donc probablement raison. A l’étage stratégique, cependant, LFI, ce n’est pas seulement un appareil politique infesté de diverses sous-espèces de Bompard et d’Autain. C’est aussi une base populaire. Du coup, en traitant « la question européenne » comme s’il s’agissait d’un thème de campagne comme un autre (comprendre : aussi vide qu’un autre), on peut dire que Szafran élude la difficulté.
Car, au-delà des petits calculs de sinécure strasbourgeoise, la gauche bobo sait aussi qu’à terme, son programme (féministo-climatisto–végétaliste et multiculti-LGBT : le programme d’une Macronie radicalisée) sera nécessairement rejeté par toute majorité populaire française, et qu’elle a donc absolument besoin du carcan xénocrate de l’Eurogoulag pour « faire triompher ses idées ».
Alors que Mélenchon, lui, a le regard braqué sur l’horizon rouge-brun de 2027 – considérant, pour sa part, que la poursuite du jeu démocratique lui offre– face à un RN amorphe – de réelles chances d’incarner la phase suivante (illibérale et égalitariste) du Reset à la française.