Le nationalisme est le repoussoir sur lequel Emmanuel Macron compte s’appuyer pour mener la campagne des européennes. Mais c’est un jeu dangereux. En dehors de la France, le nationalisme est désormais une donnée ancrée dans les esprits en Europe. Jouer les élections sur ce marqueur constitue désormais une profonde prise de risque politique, et pourrait accélérer la décomposition européenne.
Au coeur des élites parisiennes, la stigmatisation du “nationalisme” (concept large et mis à toutes les sauces) est un lieu commun obligé dans toutes les conversations. Le discours de Geoffroy Roux de Bézieux, nouveau président du MEDEF, à sa première université d’été, l’a confirmé, avec son appel à une Europe fédérale. Mais cette thématique est-elle vraiment en phase avec la réalité européenne? Un petit tour d’horizon de ce qu’est la réalité géopolitique actuelle dans l’Union pourrait réserver bien des surprises aux défenseurs de la confrontation macronienne des “progressistes” contre les “nationalistes”.
L’axe italo-hongrois
Faut-il revenir sur l’alliance que le Hongrois Viktor Orban a conclue avec l’Italien de la Ligue Matteo Salvini? Largement médiatisé, ce rapprochement “anti-Macron”, c’est-à-dire anti-fédéraliste, repose sur deux piliers majeurs de l’échiquier européen, deux pays influents, dont l’un est signataire historique du traité de Rome…
Le ciment de cet axe est effectivement identitaire, au sens où il a l’ambition de défendre l’Europe contre l’immigration. Macron n’est donc pas loin de sa cible lorsqu’il se félicite de la croisade qu’il va pouvoir mener pour contrer l’opération. Petite difficulté, il est d’ores et déjà minoritaire…
Le Brexit, triomphe du nationalisme britannique
Sans le Brexit, il est plausible que l’Europe n’aurait pas connu les tensions internes qui la secouent aujourd’hui. L’approbation majoritaire, en Grande-Bretagne, de la scission a largement reposé sur une affirmation nationale face à la politique migratoire de l’Union. L’ouverture unilatérale des frontières par Angela Merkel a compté pour beaucoup dans ce mouvement.
Exit, donc, le Royaume-Uni, pour les prochaines élections.
Le groupe de Visegrad
Face à lui, Emmanuel Macron trouvera l’opinion publique du groupe de Visegrad, qui regroupe la Hongrie, mais aussi la Pologne, la République Tchèque et la Slovaquie. Cet ensemble est mal connu des Français. Il forme pourtant une population quasi-équivalente à celle de la France (environ 63 millions d’habitants).
Ces pays sont remontés contre l’axe franco-allemand, même si ils ont retirés d’importants bénéfices de leur entrée dans l’Union. La tension va jusqu’à évoquer, par exemple, un Tchexit, c’est-à-dire une sortie de la République Tchèque hors de l’Union.
L’Autriche et sa coalition anti-immigration
Faut-il rappeler par ailleurs que l’Autriche a porté au pouvoir, fin 2017, une coalition entre conservateurs et extrême-droite globalement très défavorable à la politique migratoire de l’Union? Nul n’est besoin de préciser que ce n’est pas en Autriche qu’Emmanuel Macron trouvera une oreille majoritairement attentive à ses positions “progressistes”.
La Bulgarie et la Roumanie au ban de l’Union
Du côté de la Bulgarie et de la Roumanie, il est assez probable que les positions macroniennes trouvent également peu d’écho. Depuis 2010, ces deux pays sont en effet susceptibles d’intégrer la zone Schengen. Problème: la France et l’Allemagne continuent à s’y opposer au nom des règles de sécurité.
On imagine mal les opinions publiques de ces pays se révéler, lors du scrutin, très sensibles à une doctrine favorable à l’immigration africaine, mais qui continue à refuser la libre circulation des personnes entre l’Europe et ces deux membres de l’Union…
La Belgique toujours dominée par les nationalistes flamands
Du côté de la Belgique, la situation ne semble guère meilleure. Le premier parti du pays reste la NVA (la Nouvelle Alliance Flamande), héritière de la tradition nationaliste locale. Ce parti est au pouvoir grâce à une alliance avec les libéraux francophones (centre-droit). Là encore, on imagine mal les populistes flamands, par tradition plutôt francophobes, se rallier à la doctrine d’Emmanuel Macron.
L’extrême droite soutient le gouvernement danois
Au Danemark, on oublie trop souvent que le gouvernement actuel bénéficie du soutien de l’extrême droite. Les mouvements hostiles à la politique migratoire européenne ont obtenu du gouvernement en place des mesures conformes à leurs idées. Là encore, et le voyage d’Emmanuel Macron l’a montré, on imagine mal un ralliement massif des opinions publiques aux doctrines “progressistes”, au sens macronien du terme.
Le retournement espagnol
À son accession au pouvoir, le gouvernement espagnol a proclamé une large ouverture de ses frontières aux migrants, à l’occasion de la crise de l’Aquarius. Il n’aura fallu que quelques semaines pour que la tendance s’inverse. Le gouvernement Sanchez procède désormais à des expulsions de migrants marocains…
Il n’est pas sûr que l’opinion publique espagnole se montre très chaleureuse avec les aspirations multiculturalistes d’Emmanuel Macron.
Le ciseau allemand
Après avoir largement ouvert ses frontières, l’Allemagne de Merkel vit un retournement historique, comme le montrent les manifestations de Chemnitz vis-à-vis desquelles la Chancelière réagit avec prudence. La CSU, l’aile bavaroise du parti conservateur, a profondément retourné la situation en exigeant une politique migratoire restrictive. Il se murmure même qu’Angela Merkel devrait soutenir la candidature d’un bavarois à la présidence de la Commission…
Là encore, Macron a probablement peu de possibilités de compter sur un soutien massif de l’opinion, peu encline par ailleurs à la vision fédéraliste de Macron.
Une stratégie franco-française dangereuse pour l’Europe?
On comprend bien la manoeuvre de Macron en Europe: rejouer le scénario de la présidentielle, en clivant les opinions publiques sur la question du “populisme” et du “nationalisme”. Cette stratégie pose deux questions.
La première est de savoir si elle a une chance d’aboutir en France. Nul ne sait quel sera le rapport de force en 2019. En l’état, la France est le pays où l’élitisme résiste le mieux. Mais rien ne dit que ce mouvement sera durable.
La seconde est de savoir si elle a une chance d’aboutir en Europe. Au vu du rapport de force réel, tout laisse croire qu’Emmanuel Macron prend un risque important aujourd’hui en liant sa vision fédérale à son approche anti-nationaliste. La déroute de l’un amènera en effet la déroute l’autre.
Les dés sont jetés et plus rien ne peut arrêter un mouvement de fond qui chamboule tout sur son passage. Les analyses sont justes et les conclusions loin d’inclure ce que personne n’ose dire par peur d’une auto-réalisation: le risque d’une guerre civile en Europe, dans chaque pays de l’union ou dans certains d’entre eux.
C’est une réflexion intéressante mais délivrée avec un filtre unique mettant de côté les pratiques toujours plu smulti culutralistes en particulier des jeunes européens.
Deux éléments complémentaires:
– les pays dirigés par des coalitions nationalistes sont presque tous en état difficile économiquement,
– les votes nationalistes sont quasi partout nourris par les “anciens”: si le Brexit devait être revoté aujourd’hui, les morts depuis le dernier vote suffisent à faire basculer le résultat.
Enfin, face à Trump et ses pulsions suicidaires et face à Poutine et à la Chine, pense-t-on sérieusement une seconde que l’Europe soit un handicap? Ou alors, ce propos est nourri par les manipulateurs anti-Europe, nombreux à vouloir réduire la première puissance économique et culturelle mondiale.
L’Europe n’existe pas. “La 1ère puissance économique et culturelle mondiale” est aussi homogène que l’Afrique du Sud et le Nigeria (deux pays africains pourtant)…