Le candidat d’EELV (Europe Écologie Les Verts), Yannick Jadot, réalise à ce stade une bonne campagne qui permet à son parti de retrouver un score approchant ses performances antérieures. Il est crédité à ce stade d’environ 7% des voix, ce qui ferait des Verts le deuxième parti de gauche après la France Insoumise. Sur le fond, les propositions respectives de chaque parti ne sont d’ailleurs pas fondamentalement différentes, à cette différence près que les écologistes se déclarent moins “sociaux” que les insoumis. On notera que Jadot se fait fort de promouvoir un “protectionnisme vert” à l’orthogonal avec les principes de l’Union Européenne.
Les Verts ont fourni un effort incontestable de réflexion programmatique pour ce scrutin des européennes qui leur est d’ordinaire plutôt favorable. On retiendra en particulier la thématique du protectionnisme vert qui se dégage de leurs propositions.
Marché unique: la mise en place d’un protectionnisme vert
Le lyrisme écologiste est ici sans limite et l’imagination s’en donne à coeur joie. Les écologistes proposent même de négocier un traité environnemental qui poserait l’écologie en norme suprême. La formulation de la proposition est d’ailleurs très marquée à gauche:
Face à un capitalisme prédateur des ressources naturelles, il est temps de poser des limites et de renverser les priorités. Nous voulons donner aux questions environnementales une force normative qui détermine toute l’action politique et les choix de l’UE.
Dans cet ensemble, EELV reconstruit la logique du droit de la concurrence, autour d’un combat ouvert contre libre-échange:
Ne cédons plus aux sirènes du libre-échange, qui permet de délocaliser emplois et pollutions d’un même mouvement. Nous devons mettre en place un protectionnisme vert, avec une taxe socio-environnementale aux frontières, qui permettra de tenir compte du vrai coût des produits, tout en progressant vers une TVA à 0% sur le territoire européen pour les biens de première nécessité.
Une taxe socio-environnementale aux frontières: on n’avait pas trouvé meilleure façon de recycler le protectionnisme depuis un certain nombre d’années. La même logique doit inspirer les échanges au sein de l’Union:
Nous devons garantir une Europe de la sobriété, une Europe saine et sans produits toxiques : pesticides, perturbateurs endocriniens, diesel, nucléaire, métaux lourds ou charbon…
On voit comment l’argument écologique sert ici à rebâtir un nouvel ordre économique, y compris au détriment de la France. C’est la particularité écologiste, son côté puriste: dussions-nous appauvrir la France en y bannissant le nucléaire ou le diesel, nous irons jusqu’au bout!
Politique monétaire: subordination politique de la BCE
Dans le domaine monétaire, EELV réalise une étrange synthèse, qu’on qualifiera de bienveillante, entre revendications écologiques et revendications sociales. L’ensemble conduit à promouvoir une mise de la banque centrale sous le boisseau de l’écologie et de la solidarité.
Nous voulons réformer la BCE pour garantir un droit à l’euro aux citoyen-ne-s européen-ne-s. Elle doit être démocratisée dans sa composition comme dans le choix de ses orientations économiques. L’ensemble de sa politique doit être dédiée à la protection du climat et du respect des limites planétaires et non plus au diktat de la non-inflation. Elle doit pouvoir racheter, restructurer et effacer les dettes publiques tout en visant une convergence macro-économique.
Que la BCE puisse racheter, restructurer, effacer les dettes publiques! qu’elle n’obéisse plus au diktat de la non-inflation! Joli programme… qui piquera les yeux des adeptes de la monnaie unique dans sa version initiale.
Réforme des institutions: vers une assemblée constituante
C’est peut-être dans le domaine institutionnel que l’enthousiasme lyrique des écologistes déborde le plus. On lira cette proposition qui suffit à poser les termes du débat essentiellement axé autour de la bienveillance, défendu par les Verts:
L’Union ne peut pas se contenter de se construire à travers le marché unique. Nous voulons une Constitution européenne qui défende et élargisse les droits des femmes, des minorités, des jeunes, avec un droit de vote à 16 ans, des réfugié-e-s, des territoires. Cette nouvelle Constitution garantira les libertés fondamentales, l’État de droit et la liberté de la presse. Elle défendra la dignité des personnes déplacées, quel que soit le motif de leur migration : que l’on soit migrant économique, demandeur d’asile politique ou réfugié climatique, la démocratie impose le respect des droits humains.
Pour les Verts, cette Constitution européenne doit être bouclée en 2024.
Immigration: l’euphorie des peuples ouverts sur le monde
EELV ne formule aucune proposition en matière de lutte contre les flux humains. Au contraire, une fois de plus, le lyrisme prend le pouvoir:
Grâce à une politique d’asile réformée et unifiée, construisons une Europe capable d’assumer la question de l’accueil des hommes et des femmes que le fracas du monde a jeté-e-s sur les routes au péril de leur vie, une Europe capable de continuer à assurer la paix sur le continent.
Ce programme empli de bons sentiments et de valeurs généreuses comporte donc aussi tous les urticants qui nous éloignent de nos partenaires du nord.