Le cas de Boris Johnson « disparaissant » d’une photographie publiée par un député tory de la majorité qui soutient le cabinet Sunak évoque bien sûr puissamment les pratiques de retouche photographique qui étaient devenues une signature stylistique de l’historiographie soviétique sous Staline.
???? Rishi’s government have done a Stalin and photoshopped Boris out of this pic
— Mahyar Tousi (@MahyarTousi) January 10, 2023
Wtf ???? pic.twitter.com/4i7dsL5LGE
On pourrait être tenté de balayer cette histoire (et le tweet qui l’a révélée) d’un revers de la main, en évoquant simplement l’arrivée aux affaires d’une génération alphabétisée dans Photoshop. L’anecdote s’inscrit néanmoins dans un contexte plus vaste, qu’illustre par exemple un autre tweet, publié moins de 24 heures auparavant : il constatait que, à partir du moment où il est devenu impossible de maintenir le couvercle sur l’actualité brésilienne, du jour au lendemain, tous les ukranologues patentés des médias de grand chemin se sont transformés en spécialistes du Brésil.
Comme ces mêmes « experts » s’étaient généralement spécialisés en ukranologie en février 2022, souvent après deux ans de carrière dans la virologie, le moment est peut-être venu de les désigner par le terme récemment forgé par l’écrivain roumain Liviu Oltean : ce sont des expertologues – des experts en expertise.
Boris Johnson sera-t-il le Léon Trotski de l’Eurosoviet ?
Et surtout, en connaissance de l’histoire du XXe siècle, il devient difficile de ne pas percevoir le lien entre réapparition du révisionnisme documentaire et émergence de la figure de l’expertologue : dans les deux cas, c’est le soviétisme qui revient au galop. L’expertologie (experte aussi dans la retouche photographique) portait alors le nom plus distinctement bolchevique d’agit-prop (pour : « agitation + propagande »).
En URSS, l’institution de l’agit-prop était nécessaire à la survie d’un pouvoir oligarchique, d’une bureaucratie dictatoriale pratiquant, sous un déguisement démocratique assez transparent, un dirigisme économique total, une ingénierie sociale omniprésente (« forger l’homme nouveau ») et une impitoyable police de la pensée. Décidément, rien ne ressemble davantage au passé soviétique que … notre présent davosien.
Expertologues, je le note.