A mesure que l’addition s’approche à grands pas de la table France, on voit, de plus en plus nombreux, des thuriféraires du régime cessant d’inclure Emmanuel Macron dans leurs bénédictions – se disant probablement qu’il va bien falloir faire la part du feu, et qu’en étant les premiers à désigner les bouc-émissaires à sacrifier, ils augmentent leurs chances de ne pas être de la même charrette. C’est le cas de Nicolas Baverez, mondialiste de compétition (Bilderberg, Institut Montaigne…) qui, au prétexte d’un échange de vues avec un de ses mentors du Point, propose un « appel au sursaut » des intellectuels qui ressemble comme deux gouttes d’eau à un appel au sursis… pour l’intellectuel Baverez.
Nouméa, terminus, tout le monde descend !
« Le remaniement se limite à la promotion de proches du président… la Première ministre reconduite par voie de presse… »
Il faut dire qu’arrivés à la station Nouméa, il n’y a pratiquement plus que Christophe Barbier pour rester fidèle au bunker macronien – et encore, on peut se demander pour combien de temps…
Mais le point de plus scabreux de cet exercice délicat de Baverez va bien entendu consister à « trouver » (comprendre : à inventer) le point à partir duquel les causes qu’il chérit et qu’il a alimentées se transforment en conséquences qu’il condamne avec la dernière énergie. Homme « de droite », Baverez choisit de cautériser juste avant Macron :
Le remaniement, selon lui, « révèle aussi la vraie nature du macronisme, à savoir la prise du pouvoir par une coterie d’aventuriers à la faveur de la défaillance de François Hollande et de François Fillon, puis à sa conservation grâce au coup de dés de la guerre en Ukraine. »
Passons sur la « défaillance » de Fillon, qu’on a tout de même rudement bien « aidé à défaillir ». Par ailleurs, à en croire Baverez, jusque Sarko, tout allait donc bien, Madame la Marquise. Sarko, qui, en ramenant la France dans les structures militaires de l’OTAN, mais aussi encourageant discrètement le coup de force russe en Géorgie, a pourtant tout fait pour préparer le fameux « coup de dés ».
Le docteur Nicolas Jekyll, très sévère avec Mr. Emmanuel Hyde
Du coup, quand Baverez, après s’être félicité d’avoir à deux reprises voté pour le mari de Brigitte (c’était « son devoir »), se réinvente en anti-macroniste rabique, son argumentation, très vite, sonne creux. Sa critique du en même temps, bâtie sur un « il n’est pas possible de… puis de… », s’expose à chaque pas au démenti cinglant d’un : Ce n’est peut-être pas possible, mais, dans les conditions préalables crées par Baverez et sa Caste, c’est nécessaire.
En cela, la palinodie anti-macroniste de Baverez ne fait d’ailleurs que prolonger son parcours préalable de sycophante, européiste à poil dur recommandant depuis des années pour la France une « thérapie de choc libérale » prenant exemple… sur un Royaume-Uni où cette tendance a fini par prendre la forme du Brexit.
A part quelques grands mots aux allures de slogans (comme « la reconnaissance du mérite et de l’excellence »), on sort de la lecture de ce roman pseudo-épistolaire en plusieurs épisodes sans savoir exactement ce que Baverez aurait voulu faire différemment de Macron, ni comment.
Gaullistes, je vous ai compris !
La critique se précise un peu quand il en vient à la dimension institutionnelle, mais, là aussi, on ne sait pas trop si Baverez reproche à Macron d’avoir trop trahi De Gaulle (il parle de « revenir à l’esprit de la Ve République »), ou pas assez :
« … une centralisation sans précédent, sur le refus de tout contre-pouvoir, sur le mépris du Parlement, des partis ou des citoyens… »
A part dans la mémoire quelque-peu perturbée des souverainistes néo-gaullistes actuels, nostalgiques d’un gaullisme qui n’a jamais existé que dans leur imagination, toutes les tares qu’il attribue ici à Macron sont, au moins formellement, celles du gaullisme et… l’esprit même (le fameux) de la Ve République !
Avec, certes, une différence de taille : sous De Gaulle, ce glissement autoritaire des institutions est censé (sous réserve d’inventaire des résultats) être mis au service de l’intérêt national – devenu parfaitement tabou du fait de la diabolisation des égoïsmes collectifs qui est l’alpha et l’oméga de ce mondialisme dont Baverez a justement été, en France,… l’un des principaux vecteurs infectieux.
Le sauve-qui-peut des clercs réussira-t-il ?
Si on ne voit pas clairement ce que Baverez déplore (en-dehors de conséquences dont il chérit les causes), ni ce qu’il déteste (à part lui-même dans le miroir que lui tend Macron), on voit en revanche un peu mieux ce qu’il dit craindre, agitant, tel un leitmotiv, tous les deux paragraphes, l’épouvantail de l’arrivée au pouvoir d’une « extrême-droite » qui (en la personne de Marine Le Pen) ne fait pourtant rien pour, et ne le souhaite probablement même pas.
A la lumière des réflexions d’Edouard Husson sur le fascisme gris, cependant, on comprend vite quel refoulé fait retour dans ces curieuses angoisses du technocrate Baverez : ce qui, projeté dans un futur fantasmatique, épouvante cet autiste critique de l’autisme, c’est la prise de pouvoir (relevant en réalité du passé) de sa propre Caste – ou peut-être (de façon, pour le coup, plus réaliste) : les conséquences à terme du retour de boomerang de cette prise de pouvoir.
En parlant de « la question de la responsabilité des intellectuels face à la crise existentielle que traverse la France », Baverez donne donc facilement l’impression de nourrir l’espoir de garder, moyennant ce tour de passe-passe, de bonnes chances d’esquiver la part non-négligeable de cette responsabilité qui lui revient, si j’ose dire, en propre.
En la matière, je crains qu’il n’ait un peu bâclé ses calculs – à vrai dire, je ne le crains pas : je l’espère ardemment.
Dame Nature se chargera des « intellectuels de la caste » mais en attendant j’espère que la Faim fera sortir les loups des bois
Je ne comprends pas que la soit disant défaillance ( rudement bien aidé) de François Fillon ne soit pas analysée comme un scandaleux coup d’état judiciaire, le gouvernement fait fuiter des informations qui atterrissent au Canard Enchaîné, le PNF se saisi de l’affaire interférant dans le grand moment de la démocratie française. Évidemment ses collègues de droite l’ont lâché et un ami de Sarkozy lui a donné l’estocade avec une ridicule histoire de costumes. Bon nous apprenons aujourd’hui que Fillon était pro-russe, la CIA tient à la laisse bien des politiciens en France.
Pro-esprit russe ou pro-marché russe ?
https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/05/03/francois-fillon-la-complainte-des-rillettes-par-modeste-schwartz/
Fillon est surtout pro-lui-même comme la majorité, on peut presque dire la totalité, de la caste politique. Il fut un Premier ministre du joggeur de Central Park particulièrement soumis, un vrai rouleau de papier peint. Quelle est sa vision ? A-t-il une colonne vertébrale ? Je ne pleure pas sur ses petits malheurs de châtelain détroussé.