Les braises des Gilets Jaunes ne sont pas éteintes. Elles vacillent, certes, elles s’époumonent, mais elles couvent, comme on dit, et rien n’exclut que, sous une forme ou sous une autre (c’est-à-dire au besoin en abandonnant la « marque » Gilets Jaunes), elles ne repartent de plus belle. Plusieurs indices faibles soulèvent la question.
Pour beaucoup de Français, la crise des Gilets Jaunes est passée. Il suffit de voir l’essoufflement du mouvement chaque samedi pour se convaincre que le plus dur est passé, et que seuls quelques flammèches continuent à crépiter dans un air désormais déchargé de son électricité. Mais… on s’étonne quand même de plusieurs indices.
Le pouvoir continue à craindre les Gilets Jaunes
On notera d’abord l’acharnement (et la surveillance) dont les Gilets Jaunes continuent de faire l’objet de la part du ministère de l’Intérieur. Les reporters de Paris-Match en ont porté témoignage. Pour le premier anniversaire du mouvement, l’hebdomadaire a voulu interviewer quelques responsables près des Champs-Elysées. Voici le récit qui est fait de ce moment :
A l’occasion d’un reportage que nous préparons à l’approche du premier anniversaire du mouvement, nous avions sollicités plusieurs figures des gilets jaunes pour une rencontre. En milieu de matinée ce samedi 9 novembre, nous pensions pouvoir faire rapidement une photo avant de pouvoir échanger avec eux dans un café voisin. Mais les policiers identifient très vite Faouzi Lellouche, responsable associatif à Sevran qui a régulièrement organisé le service d’ordre des manifestations de gilets jaunes à Paris. Après vérification d’identité, ils décident de le verbaliser du simple fait de sa présence sur les lieux. Idem pour Fabrice Grimal, chef d’entreprise également gilet jaune, présent au même moment.
Manifestement, le pouvoir exécutif continue à craindre les Gilets Jaunes et maintient, à leur endroit, une surveillance étroite. Les reporters de Paris-Match témoignent des filatures constantes exercées sur des personnalités comme Jérôme Rodriguez.
Cette pression souligne la peur qui habite l’exécutif vis-à-vis d’une possible résurgence du mouvement.
Une dispersion inquiétante dans les mouvements sociaux
L’une des raisons de cette peur tient à l’évolution en profondeur du militantisme jaune. Alors que les militants des premiers temps étaient plutôt apolitiques et extérieurs aux mouvements existants, les Gilets Jaunes d’aujourd’hui se sentent à l’aise avec les mouvements sociaux.
Ainsi, Jérôme Rodriguez a participé à la marche contre l’islamophobie avec l’extrême gauche. Rien n’exclut donc que les Gilets Jaunes ne parasitent les grèves de transport, ou de futurs mouvements dans les hôpitaux publics.
Pour le gouvernement, cette perspective est inquiétante. S’il est acquis que, en eux-mêmes et en l’état, les Gilets Jaunes n’ont plus la capacité d’agir de façon directe comme l’an dernier, ils peuvent jouer le rôle d’accélérateur dans de nombreux conflits sociaux…
Un premier anniversaire qui agite les esprits
Cette infusion de la colère jaune dans les mouvements sociaux est d’autant plus crédible que l’approche du premier anniversaire du mouvement agite quelques esprits. Sur Internet, les appels à la désobéissance civile pour commémorer le premier acte (du 17 novembre) se multiplient.
En particulier, Emmanuel Macron aurait prévu d’intervenir à la télévision pour s’exprimer sur le sujet. Les appels au boycott de son discours sont nombreux. Ils témoignent d’une certaine effervescence qui devrait intriguer un Président en berne dans les sondages.
L’étrange retour de la défense européenne, une menace…
Au passage, on notera les cruelles ironies de l’histoire.
L’an dernier, Donald Trump avait apostrophé Emmanuel Macron à l’occasion du 11 novembre et de ses cérémonies d’hommage, sur la question de la défense européenne. Le président français avait à cette époque plaidé pour le programme Rafale face au F-35 américain, cher et aussi fiable que les programmes de Boeing…
Ce faisant, Emmanuel Macron avait gêné le programme nucléaire américain, et Donald Trump s’était fendu, le 12 novembre, d’un tweet prémonitoire sur l’impopularité de Macron qui ne tarderait pas à éclater.
Cette année, Macron, exactement à la même période (et de façon quasi-névrotique) remet le couvert sur le même sujet. En phase d’exposition à un risque de conflits sociaux, cette imprudence pourrait coûter cher.
Rien n’est en effet plus tentant que de se servir de la grogne populaire pour abattre un gêneur. Un peu de réalisme et de lucidité permettrait à Macron d’éviter des affrontements aussi directs avec le gouvernement profond.
Nous pronostiquons un mouvement social très dur en décembre, avec des résurgences « jaunes », et une sévère mise en difficulté de l’exécutif.