Officiellement, les Français adorent leur patrimoine et autres balivernes qui nourrissent de belles carrières médiatiques comme celle de Stéphane Bern. Dans la pratique, l’affirmation est à nuancer très très fortement dès lors qu’on pose la question sous un jour fiscal. Il est en effet, depuis plusieurs décennies, très difficile de se constituer un patrimoine en France si l’on n’est pas héritier. Le rabot fiscal passe avec suffisamment de rigueur pour que l’exercice patrimonial soit hasardeux et compliqué.
Ajoutons que la terrible doctrine illibérale (pour ne pas dire pire) de Bercy, de l’abus de droit fiscal, qui autorise n’importe quel inspecteur à vous redresser sous les prétextes qui lui passent par la tête, même si vous respectez la loi, incite à la méfiance et pousse à l’exil préventif tous ceux qui ne veulent pas finir leurs jours avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.
L’angoisse de la spoliation monte
Or, nous l’avons annoncé, la France ne manque pas de voix, et en manquera de moins en moins, pour expliquer que le rétablissement de la situation financière du pays passe par la confiscation des patrimoines, que cette confiscation soit totale ou partielle, au nom de la solidarité. Nous reproduisons ici des propos écrits de Jean-Luc Mélenchon, qui montrent combien ce projet est légitimé dans beaucoup de têtes, et déjà avancé dans l’opinion.
Tous ceux qui ont organisé leur temps de vie autour d’un épisode patrimonial (je pense ici aux entrepreneurs et artisans qui ont parfois concédé plusieurs années de travail avec des semaines de 100 heures, sans vacances, pour se constituer un petit magot dont ils voulaient profiter au calme), en seront pour leurs grades. Ceux qui ont préféré la sécurité du salariat, avec ses 35 heures et ses protections aberrantes, comptent bien assurer leurs vieux jours en récupérant cet argent durement gagné. Telle est la loi de ceux qui voulaient la garantie d’une fiche de paie à la fin du mois, et qui, sous aucun prétexte, n’auraient assumé le risque de se lancer dans leur propre aventure. Ceux-là, qui bénéficient aujourd’hui d’une intervention solidaire au titre du chômage partiel à hauteur de 50 milliards €, considèrent qu’on n’en fait pas assez pour eux et réclament leur dû.
Il faut donc s’attendre à une taxation confiscatoire pour rembourser tout cet argent qui part en fumée et qui permet à chacun de jouer aux martyrs du capitalisme en faisant ses courses au supermarché, et en se plaignant d’être angoissé par des lendemains qui déchantent. Comme si les entrepreneurs qui n’ont pas encaissé un euro depuis deux mois vivaient tous sous les cocotiers, servis par des esclaves devant une eau turquoise.
Pourquoi il est civique de quitter la France pour protéger son patrimoine
J’entends d’ici les émois sentimentaux d’un certain nombre d’entrepreneurs qui aiment leur pays et qui se demandent si la délocalisation de leur patrimoine est bien conforme à leur amour. Sur ce point, j’ai coutume de répondre par une casuistique très simple.
Premièrement, je me demande toujours lequel de mes salariés, ou quel inspecteur des impôts ou des URSSAF aurait eu le cran de renoncer à une fiche de paye assurée à la fin du mois pour créer mon affaire à ma place. Si la réponse est : aucun, j’en déduis que j’ai mérité mon petit patrimoine et que les affirmations d’un Jean-Luc Mélenchon ne sont donc rien d’autres qu’un éloge du vol en bonne et due forme.
Deuxièmement, je me demande quel salarié aurait accepté que je lui demande de se passer d’un salaire pour aider l’entreprise en cas de difficulté passagère de trésorerie ? Quel inspecteur URSSAF ou des impôts m’aurait accordé une facilité de paiement sans pénalité pour sortir de l’ornière ? Si, là encore, ma réponse est “aucun”, je ne vois pas pourquoi l’argent que j’ai gagné ne me serait pas dû. Car la solidarité doit aller dans les deux sens.
Je vais même plus loin : c’est condamner ce pays que de lui fournir l’héroïne fiscale qu’il s’injecte quotidiennement dans les veines. Tôt ou tard, il faut sevrer le drogué pour le sauver.
Commencer par diagnostiquer sa question
Tous ceux qui veulent éviter le pire à l’approche d’une saison fiscalement difficile auront donc à coeur de préparer utilement le sauvetage de ce qui correspond souvent à l’effort de toute une envie, à des heures, des jours, des semaines, des mois en famille sacrifiés pour constituer un petit capital, liquide, financier ou professionnel, destiné à leur garantir une fin de vie heureuse. Et la première étape de cette préparation consiste à répondre à une question simple : le sauvetage porte-t-il sur un patrimoine personnel ou professionnel ? ou sur les deux ?
Car les situations ne sont pas exactement identiques selon les situations. C’est toute la difficulté de l’exercice. Selon les pays européens, la fiscalité avantage telle ou telle solution, et il ne faut surtout pas partir à l’aveugle sur le sujet. Dans tous les cas, nous vous recommandons de nous interroger au moyen du formulaire ci-dessous pour un affinage progressif (comme le fromage !) de votre situation. En toute amitié, bien sûr.
Dans tous les cas, avant de songer aux Bahamas ou au Costa-Rica, il faut bien faire le point de sa situation, car des pays voisins bien sous tous rapports (nous excluons donc l’aimable Luxembourg, qui est pourtant plus riant qu’on ne le dit) comme l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas peuvent révéler de très bonnes surprises.
À partir de quel montant de patrimoine dois-je réfléchir?
Si vous voulez éviter que votre patrimoine ne parte en fumée dans les cheminées de la sécurité sociale et de ses trous béants, vous vous demandez sans doute à partir de quel montant à protéger est-il intéressant de réfléchir à une solution de défiscalisation ?
Là encore, chaque situation appelle à une réflexion au cas par cas, mais il est communément admis que le plancher de placement est de l’ordre de 60.000 €. Les initiés savent qu’il s’agit du placement minimal au Costa-Rica pour devenir assuré social non-résident, bénéficiant de nombreux avantages pour l’imposition sur le revenu. Ce plancher vaut aussi en Europe, où les opérations de délocalisation ou de départ en exil (l’un n’allant pas forcément de pair avec l’autre), peuvent valoir la peine d’être pratiquée dès lors qu’elles éviteront les confiscations qui s’annoncent.
Cela ne signifie pas que, entre 60.000 et 300.000 €, toutes les opérations soient rentables ou nécessaires. En revanche, cela vaut la peine de regarder au cas par cas et de faire examiner son dossier. Souvenons-nous qu’une taxe de 50% sur les fractions d’épargne supérieures à 50.000€ coûteront 25.000€ à un épargnant qui a mis de côté 100.000 €. Soit deux ans de SMIC. Soit un certain nombre d’années de revenu social d’activité pour leur voisin qui a renoncé à travailler depuis de nombreuses années parce que les patrons sont des salauds qui ne paient pas assez cher…
Plus globalement, tout détenteur d’un patrimoine supérieur à 150.000 €, mais qui ne dispose pas d’un family office comme Bernard Arnault ou Liliane Bettencourt, doit être conscient qu’il constitue la viande idéal que l’État adore servir à sa table fiscal. Il est le contribuable à plumer en priorité, et il a de bonnes raisons de se faire du mouron pour les mois à venir.
Dans tous les cas, respecter la loi…
Sur tous ces sujets, l’erreur consisterait à paniquer et à faire n’importe quoi en dehors des lois de notre bonne République. Nous conseillons ici de prendre un peu de recul face aux questions et de ne surtout pas sauter l’étape “diagnostic”, qui relève de la vie intime de chacun (même si un peu d’aide pour “accoucher” des questions n’est pas de refus).
Dans la pratique, la législation française est tyrannique, démotivante, dissuasive, mais possède encore quelques plis connus des seuls initiés. Ils ont la même valeur que les bouteilles de mirabelle produites par les bouilleurs de cru. Ils se méritent !
Si vous souhaitez connaître mon opinion, n’hésitez pas à m’interroger discrètement au moyen du formulaire ci-dessous. On peut penser que la législation fiscale deviendra très désagréable cet été. Vous avez deux mois devant vous pour éviter la ruine!
Il y a peu de temps, je me suis fait plaisir, en m’offrant un joli roadster anglais. Surprise, le vendeur s’appelle de Grouchy ! Quoi, un descendant de maréchal et comte de l’Empire, grand aigle de la Légion d’honneur, réfugié chez les Britanniques ? Sacrebleu ! En réalité, quasiment toute la famille s’est installée en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Amérique latine (Argentine et Chili) au fil du XIXe et au début du XXe. Ici, dans le Devonshire, et partout autour, les responsables politiques sont ravis par les génocides fiscaux français, car ça leur permet de récupérer des entrepreneurs et des gens créatifs ou fortunés une ou deux fois par siècle. En économie, on dit que la mauvaise monnaie chasse la bonne ; il en va de même pour les humains : les “profiteurs” et les “planqués” font toujours fuir les plus entreprenants et leur descendance.
Article brillant, merci Monsieur Verhaeghe !
Vu ????