Charles de Mercy pense du bien des (vrais) journalistes et voulait nous le faire savoir. Nous publions ici avec plaisir et délice sa tribune consacrée au sujet.
Oui, nous serons d’accord : les médias sont en France dans un état de catastrophe avancée,
et vu de plus près encore, cette situation est en fait plutôt française, ce qui n’arrange rien.
On pourrait passer des heures à détailler tous les aspects des causes et des effets du
désastre que nous avons ici sous les yeux. Une désolation dont seuls quels médias
conservateurs ou progressistes, souvent natifs Internet, parviennent à s’extraire de l’Enfer.
Et non, ne comptez pas sur moi pour en faire la liste : tout le monde les connaît, l’heure n’est plus à contrarier quel que lecteur que ce soit par une énumération qui serait forcément un peu
subjective. Mais si je peux tout de même en parler, c’est que je me suis occupé de plusieurs
organes de presse, un peu sur tous les thèmes.
Oui, mes chers amis, je voudrais surtout vous entretenir d’un aspect de la crise des médias qui est souvent passée sous silence, – l’extrême difficulté d’être un Journaliste -, mais d’une
manière différente de celle qui est habituellement discutée.
Qu’est-ce qu’un journaliste ?
C’est une personne, d’abord, et c’est une personne dont le premier travail consiste à aller
chercher des informations, – et le récit de faits avérés -, à propos d’une situation dont ensuite il rendra compte à tout le monde. La définition semblera générique, banale, et pourquoi pas idiote ? Pensez-le, ça ne me gênera pas… parce que cette définition-là énonce en fait le fondement et l’essentiel de la difficulté extrême d’être un Journaliste ; qu’il soit de la Cour des
pouvoirs ou bien tout le contraire n’y change rien.
Pour le comprendre, il faut imaginer concrètement ce que cela signifie.
Vous avez donc une personne, plus ou moins jeune, qualifiée, compétente, quelqu’un comme vous et moi en réalité, et qui est occupée à ses occupations journalières, et vous aussi.
D’un coup pourtant, une information ou un indice intéressant surgit, et il faut à cette personnelà très vite tout laisser en plan pour se préoccuper de l’urgence du fait qui vient de naître.
Sinon, ce journaliste ne servira à rien.
À personne.
Mais le malheur voyez-vous, c’est que dans la plupart des cas, le fait en question, le
journaliste en cause n’y connaît à peu près rien. Oui, rien de rien. Absolument rien. Quoi qu’il puisse être déjà qualifié en matière politique, économique, sociale, technologique, écologique
ou tout ce qui peut bien vous intéresser, vous. En pratique, les choses sont bien ainsi : un
journaliste ne connaît pratiquement jamais ce dont il va être obligé de parler. Les gens, le contexte de l’affaire, ses données vraiment précises, ses enjeux officiels ou officieux, qui a fait quoi et pourquoi, tout ce qu’on comprend ou ne comprend pas encore, etc., etc. ; il n’y connait rien dans la plupart des cas, absolument rien.
Et pourtant, il va falloir qu’il le comprenne assez vite pour espérer pouvoir en parler très vite, et pas plus tard.
De préférence avant ses confrères, qui sont tous ses concurrents.
C’est un métier de chiens sous ce rapport, si vous saviez…
Mais là, c’est jour de chasse.
Alors ce journaliste pris au débotté va devoir les chausser, et très vite partir en chasse sans avoir été averti que la saison avait été rouverte.
Ensuite, tout dépendra de sa compétence, de sa morale, de sa chance aussi, mais il va s’acharner à trouver quelque chose d’intéressant à rapporter.
Avec tous les handicaps qu’on a vu plus haut ; il ne sait même pas de quoi il va s’agir et sur quoi il peut bien tomber.
Parfois rien, un tuyau crevé – et son déchaînement d’enquête réalisé pour rien.
Journaliste, c’est le métier aléatoire d’un chasseur solitaire.
Une activité qui en demande toutes les qualités, les exigences pratiques, et où le droit à l’erreur ne lui est pas davantage permis qu’il ne l’est qu’aux boucaniers de gibiers des bois.
C’est à la vie, à la mort et à la fin, soit le trophée est remporté, soit le repas sera à l’eau et au pain sec, avec tout le mépris du public silencieux en plus.
Dur.
C’est très dur.
C’est là qu’il faut commencer de comprendre la difficulté d’être un Journaliste.
D’un côté, on travaille tous les jours dans l’esprit qui vient d’être rappelé. De l’autre, on s’y engage personnellement, le corps tout entier, mais presque tout nu, – on n’a pour arme qu’un stylo -, et tenter malgré tout quelque chose d’intéressant et d’utile : informer le public.
Dans ce contexte, toute la difficulté, l’extrême difficulté personnelle qu’il existe à ce statut de Journaliste, – si vous prenez le temps d’y songer une seconde… -, c’est de revenir d’une telle chasse un trophée à la main, en espérant qu’il sera applaudi comme tel par le public, mais sans pouvoir dire à la face du monde « ça, c’est moi qui l’ait trouvé ».
Et pourtant, souvent, ça le mériterait bien.
Bien plus souvent qu’on ne l’imagine.
Mais non, le Journaliste doit se taire car, ce qui compte pour le public, ce sont tous les détails de l’animal qu’il a trouvé.
Alors, s’il agit autrement, et bien il gâchera le résultat de son travail, sans être pour autant garanti d’être reconnu non plus.
Vous la voyez la difficulté professionnelle ? L’intense tourment personnel ?
Être bien l’auteur, mais ne jamais pouvoir le revendiquer.
Du coup, vous comprenez pourquoi aussi, assez souvent, de plus en plus en vérité, vous ne cessez de voir des journalistes qui ne résistent pas, ou plus, à montrer leurs bobines pour la valoriser. En lieu et place d’exposer au public des trouvailles qui seraient vraiment intéressantes.
C’est dommage.
C’est idiot.
Mais ça se comprend très bien.
De même qu’on peut
comprendre que, un cran plus bas, un bon journaliste ne puisse également résister à placer une petite touche de subjectivité discrète dans tous ses papiers : effets de style, traits d’humour, remarques intelligentes l’air de rien, ou perfidies et ironies aussi.
Tout cela ne fait que parler d’une et d’une seule chose : le récit sans le dire d’une personne revenue d’une chasse éprouvante et solitaire ; l’impossibilité de la dire en détails ; mais l’envie, tout de même, d’en laisser entendre les échos pour mémoire. Et que le lecteur sache qu’il n’a pas lu une information, une donnée, un contenu, un bruit, mais le résultat d’une aventure
quotidienne dont rien n’est garanti. Ce qu’on peut aussi résumer par : dire qu’on est une personne, dont la qualité de personne fait entièrement la qualité de l’information produite, mais devoir pourtant tout taire ou presque à ce sujet.
C’est dur. C’est tous les jours.
C’est vraiment dur.
En France, nous avons encore de ces journalistes ou d’hommes de médias capables de cet exercice extrêmement difficile : être l’auteur d’une information, mais ne jamais vraiment pouvoir le revendiquer haut et fort, pour que celle-ci prospère et se diffuse sans considération
immédiate pour son auteur.
Songez-y, c’est dur.
Ici, et tant pis si je ne fais pas consensus, je citerai par exemples de ces hommes, des travailleurs médiatiques tels que Denis Robert, Frédéric Tadéï, Xavier Alzabert, Marc Endeweld, André Bercoff, Olivier Berruyer, Brice
Perrier, Eric Verhaeghe, ou Jean-Baptiste Rivoire.
Il en existe d’autres, bien sûr, mais ceux-là, je peux en parler pour les connaître un peu ou bien être attentifs aux détails de leurs productions.
Mes chers amis, ce sont des gens de cette qualité que vous avez à soutenir, à financer pour
commencer, – oui, donnez-leur un peu de votre argent ! : je répète, donnez-leur un peu de
votre bon argent…. D’abord parce qu’ils correspondent exactement au portrait réaliste qu’on peut faire d’un Journaliste digne de ce nom-là.
Ensuite, parce qu’avec leur qualité et l’argent que vous leur donnez, ces gens-là évitent que votre existence ne soit entourée de sommeil ou de songes trompeurs.
Et pensez-vous qu’il existe vraiment autre chose de mieux à payer ?
Je vous en parle, et c’était aussi en souvenir d’une célèbre journaliste aux yeux très clairs.
La dame en question faisait une carrière éblouissante, dorée sur tranche, dans les grands médias de ce pays. Non, ce n’est pas Claire Chazal ; c’est une autre. Un jour que je lui
demandais, ainsi qu’à d’autres journalistes politiques, de se fendre d’un éditorial de vingt
lignes sur l’enjeu du moment, elle me répondit avec un sourire aux lèvres roses bonbon que je pouvais bien le lui écrire, le lui soumettre, et qu’elle serait absolument ravie de le signer.
Et un clin d’œil avant que je n’acquiesce, prévoyait-elle.
Qu’est-ce que ces dix lignes pouvaient bien faire de mal ?
Aucun bien, précisément.
Anne, ma sœur Anne, l’instant de ce jour-là, je te promets que m’as fait comprendre ce que
ne devait pas être un Journaliste ; mais reste le souvenir de tes lèvres, tenace.
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Je n’ai rien contre l’auteur, mais ce texte est mal écrit. Sans parler du fait qu’il joue sur le pathos comme, justement, le journalisme critiquable y a beaucoup trop tendance.