Le travail détaché a longtemps empoisonné la campagne des présidentielles. La France est loin d’avoir obtenu satisfaction sur tous les points, pourtant minimalistes, qu’elle mettait en avant. Une ordonnance devrait transposer en urgence la directive du 18 juin 2018 qui est issue de ce compromis boiteux.
On se souvient que Marine Le Pen et Emmanuel Macron se sont beaucoup écharpés sur ce sujet technique, mais éminemment polémique, du travail détaché. D’emblée, Emmanuel Macron avait adopté une position minimaliste qui consistait essentiellement à revendiquer la réduction de moitié de la période de détachement (12 mois au lieu de 24) autorisée avant que le salarié ne soit assimilé à un « national ». Dans la pratique, le compromis obtenu par la France se situe bien au-dessous de cette ligne de flottaison.
Les demandes exprimées par la France en 2018
Dès le mois de septembre 2017, le gouvernement français tapait du point sur la table pour obtenir une révision de la directive 1996 qui encadrait le travail détaché. Très rapidement (c’est-à-dire en octobre), la France a réduit sa voilure à quatre revendications majeures.
Premièrement, elle maintenait sa demande de réduction de la durée du détachement à 12 mois. Deuxièmement, la France exigeait une prise en compte de la totalité de la période passée à l’étranger dans le calcul de la durée. Troisièmement, la France souhaitait que le salaire minimum et les conventions collectives soient appliquées sans dérogation. On notera que ces dispositions étaient déjà largement prévues par la directive de 1996. Quatrièmement, la France demandait la mise en place d’un système européen d’informations pour lutter contre les fraudes.
Défaite française sur le transport
La directive du 18 juin 2018 issue de ces discussions est en retrait par rapport à ses demandes. En particulier, les mesures applicables au transport routier ont été renvoyées à un autre texte… alors même que le transport routier représente une part importante du travail détaché (on parle de près d’un million de chauffeurs détachés dans l’Union, alors que la France hébergerait 450.000 travailleurs détachés chaque année). Problème: ce texte n’a pas encore vu le jour, et n’est pas prêt de le voir.
Victoire serrée sur les autres points
Pour les autres professions, la France est loin d’avoir obtenu gain de cause.
D’une part, le travail détaché est bien limité à 12 mois au lieu de 24, mais avec des dérogations possibles pour 6 mois supplémentaires. D’autre part, la France a seulement obtenu, pour ce qui concerne le droit applicable aux travailleurs détachés, des avancées mineures (à la mesure de ce qu’elle demandait).
Ainsi, la France a obtenu que le « noyau dur » des règles du pays d’accueil applicable de droit aux travailleurs détachés inclue les dispositions en matière d’hébergement ainsi que les frais de voyage et de nourriture. Elle a en outre élargi le nombre de conventions collectives applicables aux travailleurs, et les dispositions en matière de rémunération applicable aux intéressés (en particulier les primes de branche).
Pas de quoi fouetter un chat.
Défaite sur l’Autorité européenne du travail
Pour l’instant, l’Autorité européenne qui serait chargée de lutter contre la fraude n’a pas non plus vu le jour. Tout laisse à penser que, pendant plusieurs années encore, la France devra mener seule la lutte contre les fraudeurs.
Transposition en urgence
On notera que la France fait diligence pour transposer la directive de juin 2018 dans les textes, alors même que l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions est prévue pour 2020. Muriel Pénicaud a présenté (de façon inaudible) une habilitation à agir par ordonnances devant le conseil des ministres du 20 février.
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