S'expatrier à Londres était une idée à la mode avant le Brexit. Le divorce avec l'Union Européenne a créé un climat d'incertitude, et beaucoup ont nourri la conviction que la Grande-Bretagne sans l'Union n'avait pas d'avenir et était condamnée à un inexorable déclin. Dans la pratique, la solitude nouvelle des Britanniques devrait leur permettre de se livrer à une concurrence féroce avec leurs anciens partenaires, même si le traité de sortie limitent en théorie les possibilités de recourir à cette stratégie. L'émergence d'un Singapour-sur-Tamise est toutefois plausible dans les années à venir, avec tout ce que cela peut comporter.

L’expatriation Ă Londres a longtemps Ă©tĂ© Ă la mode pour les entrepreneurs français et pour quelques rentiers prĂŞts Ă subir le climat grand-breton. Mais le Brexit a changĂ© les mentalitĂ©s, donnant le sentiment que le commerce entre la capitale anglaise et le reste du continent, dont la France, serait moins fluide. Dans la pratique, les prochaines annĂ©es pourraient donner lieu Ă une rĂ©surrection de Londres, portĂ©e par le projet dit de “Singapour sur Tamise”, qui mĂ©rite d’ĂŞtre Ă©tudiĂ© avec soin.Â
Singapour sur Tamise, c’est quoi ?
Le projet de “Singapour sur Tamise” consiste Ă©videmment Ă crĂ©er un paradis fiscal grâce aux changements de règles du jeu permises par la sortie hors de l’Union EuropĂ©enne. En particulier, depuis plusieurs mois, il est actĂ© que l’impĂ´t sur les sociĂ©tĂ©s doit passer Ă 15% (au lieu de 19%) en 2021, et il est fortement question que la TVA passe de 20 Ă 10%.Â
En outre, la Grande-Bretagne devrait fortement baisser ses droits de douane.Â
Bien entendu, les Français se pincent en lisant ces taux d’imposition ridiculement bas par rapport Ă l’enfer fiscal dans lequel nous vivons. Mais c’est prĂ©cisĂ©ment l’objectif recherchĂ© par les Anglais et leur fameux Bo-Jo que la presse française adore traĂ®ner dans la boue façon Trump. Le Singapour-sur-Tamise vise Ă crĂ©er un lieu d’attractivitĂ© pour tout ce que l’Europe compte d’entrepreneurs talentueux ou prometteurs.Â
Boris Johnson passe Ă l’attaque
Avant-hier, Boris Johnson a d’ailleurs tenu la première rĂ©union de son “business council” pour passer en revue les mesures de dĂ©rĂ©gulation qui permettrait de stimuler la croissance Ă©conomique de Londres, et son attractivitĂ© mondiale. Avec une trentaine de grands patrons britanniques, il a commencĂ© Ă bâtir une stratĂ©gie dite du “build back better”, “reconstruire en mieux”, en français, qui inquiète beaucoup les EuropĂ©ens.Â
Devenir une superpuissance scientifique, amĂ©liorer les infrastructures pour lancer une rĂ©volution industrielle verte : le dynamisme britannique devrait transformer le visage d’un pays sclĂ©rosĂ© par son appartenance Ă l’Union EuropĂ©enne.Â
Une réaction cinglante de la Commission Européenne
Cette volontĂ© de profiter du Brexit pour se dĂ©velopper rapidement a beaucoup agacĂ© la Commission EuropĂ©enne qui s’est fendu d’un communiquĂ© vengeur. La Commission menace Boris Johnson d’un chaos commercial Ă ses frontières si le projet du Singapour-sur-Tamise n’est pas abandonnĂ©.Â
On n’en est pas encore Ă parler de blocus continental, mais ça ne saurait tarder. En tout cas, alors que les EuropĂ©ens du continent entendent depuis plusieurs annĂ©es des vocifĂ©rations catastrophistes sur les risques du Brexit pour la Grande-Bretagne elle-mĂŞme, Bo-Jo a l’air de plutĂ´t garder la forme et d’avoir plein de projets d’avenir…
Suivre l’Ă©volution de près, et ne pas se prĂ©cipiter
Face Ă l’enfer fiscal dont la dĂ©gradation en France est d’ores et dĂ©jĂ programmĂ©e, il faudra donc suivre avec attention l’Ă©volution de la Grande-Bretagne. Nous avons dĂ©jĂ Ă©voquĂ© l’intĂ©rĂŞt de la Suisse, du Luxembourg ou des Pays-Bas, pour tous ceux qui souhaitent sauver ce qui peut encore l’ĂŞtre du dĂ©sastre qui s’annonce en France. Mais la transition que vit aujourd’hui a Grande-Bretagne est intĂ©ressante et pourrait donner lieu Ă de très belles surprises.Â
En revanche, il faut attendre un peu avant de se précipiter et de vanter les mérites de la Grande-Bretagne. Les prochaines semaines devraient clarifier la situation.
C’est vrai que les villes-États ont eu, historiquement, des rĂ©ussites assez remarquables. Bien sĂ»r Singapour. Il y eut Hong-Kong, dommage que Macao sa voisine n’ait pu devenir son alter-Ă©go façon portugaise, ce qui lui aurait rajoutĂ© un charme supplĂ©mentaire certain que le monde anglo-saxon n’a pas. Je me suis toujours demandĂ© pourquoi il n’y pas eu davantage de villes-États dans le monde. Ce serait bien trop long Ă dĂ©velopper ici, mais je suis Ă peu près sĂ»r de savoir pourquoi. On peut rappeler les succès des villes de la Hanse entre les 13ème et 15ème siècle au moins. Et que dire de Venise dont le rayonnement fut extraordinaire et aussi GĂŞne qui devint une très grande place bancaire, la Corse lui appartint longtemps jusqu’au 18ème siècle. Mais ce parvenu de NapolĂ©on 1er crut bon de supprimer Venise, obnubilĂ© qu’il Ă©tait par l’ “unification”, ce rĂ©flexe dĂ©lĂ©tère typiquement français que la Suisse territoriale dĂ©ment avec tout le succès qu’on connaĂ®t de la ConfĂ©dĂ©ration HelvĂ©tique complètement dĂ©centralisĂ©e depuis des siècles et oĂą viennent travailler chaque jours au moins 50 000 citoyens de la RĂ©publique française des ‘droits de l’homme’ oĂą le chĂ´mage devenu endĂ©mique (depuis bien avant la crise sanitaire) oĂą ils touchent des salaires bien meilleurs, sinon pourquoi viendraient-ils en Suisse ?.