Apporter son épargne au financement de l'économie fait partie des tartes à la crème patriotiques régulièrement agitées par Bercy et sa kyrielle de ministres pour convaincre les épargnants d'investir dans les entreprises, et singulièrement dans les petites et moyennes entreprises. Mais la décision rendue par la Cour de Cassation la semaine dernière dans l'affaire Finaréa montre comment ces grands appels au patriotisme économique peuvent se transformer en un piège sanglant pour les contribuables qui ont la naïveté de croire au bon sens de l'administration fiscale. Évitez à tout prix ce piège à gogo...

Apporter son Ă©pargne au financement de l’Ă©conomie est, depuis plusieurs annĂ©es, devenu une rengaine du discours bercyen. Et la dernière sĂ©quence, avec la pandĂ©mie de COVID et la rĂ©cession qui frappe, n’a fait qu’intensifier la rĂ©pĂ©tition de cette antienne. Il y a quelques jours encore, Bruno Le Maire l’a martelĂ© Ă l’envi.Â
Mais faut-il croire cet appel au civisme et au patriotisme Ă©conomique, qui devrait pousser les Ă©pargnants Ă prendre des risques en investissant dans des entreprises moyennant une facilitĂ© fiscale ? Voici pourquoi il ne faut surtout pas tomber dans ce piège, qui est une vĂ©ritable souricière pour gogos imprudents.Â
Apporter son Ă©pargne au financement de l’Ă©conomie…
Cette idĂ©e est aussi vieille que l’inquisition fiscale qui règne en France : tous ceux qui ont constituĂ© un patrimoine sont rĂ©gulièrement appelĂ©s Ă rĂ©injecter “spontanĂ©ment” tout ou partie de leur Ă©pargne dans le circuit Ă©conomique sous la menace d’ĂŞtre soumis Ă un impĂ´t confiscatoire en cas de refus. Au temps bĂ©ni de l’impĂ´t sur la fortune, cette politique dite d’incitation fiscale avait notamment conduit Ă accorder des exonĂ©rations pour les assujettis qui investissaient dans le capital de petites ou moyennes entreprises.Â
Pour aller vite, l’ISF-PME permettait de rĂ©duire son impĂ´t sur la fortune Ă condition d’apporter du capital Ă une entreprise de moins de 50 salariĂ©s. La mĂ©canique Ă©tait simple, sur le papier : vous apportiez 100.000€ Ă une PME, et en Ă©change, vous pouviez (après 2011), retirer 45.000€ de votre impĂ´t.Â
Dans la pratique, l’opĂ©ration Ă©tait plus compliquĂ©e Ă rĂ©aliser, puisque les assujettis Ă l’impĂ´t devaient trouver une PME intĂ©ressĂ©e (et intĂ©ressante), et ensuite rĂ©aliser l’investissement, ce qui suppose des formalitĂ©s comptables. On imagine bien que la veuve Ă©pouse d’un marin propriĂ©taire sur l’Ă®le de RĂ© n’Ă©tait pas spĂ©cialement Ă©quipĂ©e pour rĂ©ussir ce genre d’opĂ©ration.Â
La question délicate des holdings animatrices
Pour faciliter la mise en relation entre les Ă©pargnants, s’est donc mis en place un système de holdings dites animatrices (par opposition aux holdings passives), chargĂ©es de “flĂ©cher” l’argent des contribuables vers des PME. C’est notamment le cas de FinarĂ©a, qui, sur son site, annonce :
Son cadre juridique permet Ă ses actionnaires d’accĂ©der Ă une rĂ©duction d’ISF de 75 %, dans la limite de 50 000 €. A cette rĂ©duction ISF peut s’ajouter une rĂ©duction d’impĂ´t sur le revenu de 25 %, plafonnĂ©e Ă Â 25 000 € pour un couple.
Cette solution, en plus d’ĂŞtre un outil de dĂ©fiscalisation, est une formule d’investissement donnant les moyens d’exister Ă de jeunes sociĂ©tĂ©s en dĂ©veloppement, dotĂ©es d’un fort potentiel de croissance.
La formule Ă©tait simple : les contribuables devenaient actionnaires de FinarĂ©a, et recevaient un certificat d’investissement Ă produire Ă l’administration fiscale pour dĂ©duire les sommes engagĂ©es dans cette holding animatrice. Dans le mĂŞme temps, FinarĂ©a investissait dans des entreprises.Â
Selon les chiffres disponibles, dès 2013, FinarĂ©a avait soutenu 1.000 crĂ©ations d’emplois dans des start-up…
Quand Bercy piège les contribuables…
Au dĂ©but, tout s’est plutĂ´t bien passĂ© pour FinarĂ©a : lorsque la holding a dĂ©livrĂ© des attestations d’investissement Ă ses souscripteurs, Bercy n’a pas bronchĂ©. Accessoirement, l’administration fiscale a Ă©tabli un certificat de non-redressement Ă FinarĂ©a.Â
Ajoutons que, en 2010, les concurrents de FinarĂ©a, Truffle et Partech, avaient obtenu des rescrits de Bercy pour des activitĂ©s identiques Ă celles de FinarĂ©a. D’un point de vue fiscal, l’opĂ©ration Ă©tait donc bordĂ©e et c’est en confiance que 1.400 Ă©pargnants ont apportĂ© plusieurs dizaines de millions Ă la holding qu’ils pensaient animatrices.Â
Mais, en 2011, Bercy change de doctrine et revient en arrière. L’administration fiscale refuse la qualification de “holding animatrice” Ă FinarĂ©a et considère donc, sans crier garde, et sans remettre en cause le certificat de non-redressement dĂ©livrĂ© quelques mois plus tĂ´t Ă FinarĂ©a, que l’opĂ©ration de dĂ©fiscalisation n’est pas rĂ©gulière.Â
Pour les Ă©pargnants, la sanction est double : d’une part, ils doivent rembourser les sommes dĂ©fiscalisĂ©es, d’autre part, leur investissement ne tarde pas Ă ĂŞtre ruinĂ© par le blocage de FinarĂ©a.Â
Vérité un jour, erreur le lendemain
Ce “retrait” brutal d’un acte administratif, pour reprendre le jargon du droit public, illustre l’instabilitĂ© juridique que l’administration fiscale fait rĂ©gner en France. Une doctrine Ă©tablie pendant plusieurs annĂ©es, avec des rescrits Ă l’appui, peut tout Ă fait ĂŞtre dĂ©crĂ©tĂ©e d’accusation publique lorsque la lubie en prend le ministère des Finances, avec un effet rĂ©troactif redoutable et au mĂ©pris de l’intĂ©rĂŞt collectif.Â
Le plus grave tient Ă©videmment aux validations successives de cette folie administrative par la justice. La semaine dernière, la Cour de Cassation a validĂ© la position de Bercy selon laquelle la holding Finarea n’Ă©tait pas animatrice mais passive. Cette position absurde et toxique pour l’Ă©conomie du pays revient donc Ă valider un redressement fiscal de 25 millions € pour 1.400 contribuables…
Préférence de la technostructure pour le chômage
Pour les entreprises qui avaient bĂ©nĂ©ficiĂ© du soutien de FinarĂ©a, cette affaire est Ă©videmment cataclysmique. Rappelons que, Ă la base, le dispositif mis en place avec “l’ISF-PME” visait Ă financer l’Ă©conomie. Le torpillage fiscal de FinarĂ©a a conduit Ă faire fondre comme neige au soleil le nombre d’emplois créés par les start-up dans lesquelles la holding a investi.Â
La position de Bercy n’a donc pas seulement ruinĂ© la confiance que les Ă©pargnants pouvaient avoir dans l’Etat. Elle a aussi fabriquĂ© du chĂ´mage.Â

🎖Pourquoi les banques font tout pour éviter un krach immobilier
Assez logiquement, l’angoisse du lendemain qui monte avec la crise devrait provoquer un krach immobilier. Les prix du marchĂ© ont en effet plus que doublĂ©

🎖Ces taxes sur l’assurance-vie qui commencent Ă germer dans l’esprit de Bercy
Les taxes sur l’assurance-vie ont commencĂ© Ă agiter le landerneau politique, avec cette fameuse table ronde au SĂ©nat qui a libĂ©rĂ© l’imagination de quelques sĂ©nateurs

🎖Face à la récession, penser plus que jamais son mix patrimonial
La rĂ©cession sera moins dure que prĂ©vu en 2020, mais beaucoup plus longue et profonde que nous ne l’imaginions. Les chiffres de l’INSEE publiĂ©s vendredi
Le gouvernement (& Co) me fait penser à la « confiture de célibataire » : après avoir mis tous les fruits à macérer dans le même bocal hermétiquement fermé, bien difficile d’en retirer un sans en entraîner d’autres…