La crise du COVID 19 offrait au Parlement européen une occasion rêvée pour exercer le pouvoir de contrôle de la Commission que lui donnent les traités. Or, il n’en a rien fait. Au point que l’on peut de demander si la volonté de combler le « déficit démocratique » de l’Union européenne est autre chose qu’un slogan.
Le 10 février 2021, Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, était interrogée par le Parlement européen sur la gestion, par l’institution qu’elle préside, de la crise du Covid-19. A cette occasion, plusieurs critiques se sont fait entendre depuis les rangs des députés. Et il est clair que la liste des erreurs est longue : incapacité à détecter le danger à temps, jusqu’à créer les conditions d’un retard à l’allumage jamais rattrapé ; incapacité à prendre des décisions fortes et coordonnées ; incapacité à gérer correctement la question des vaccins, jusqu’à un niveau vaudevillesque ; incapacité, comme toujours, à faire le juste tri entre ce qui relève du niveau communautaire et du niveau national, avec des gouvernements dépassés prompts à tirer la couverture à eux.
Pourtant, ces critiques ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. Car le plus grave pourrait être ailleurs : dans l’analyse politique que l’on peut faire de cette crise. A cette aune, il est à l’évidence une immense perdante à cette affaire : la démocratie européenne. Car les critiques sont une chose. Une action ferme en est une autre. Et à ce titre, il eut été logique que la Commission remît son mandat, ou que le Parlement l’exigeât.
Le fameux « déficit démocratique » de l’Union Européenne
Rappelons-nous : pas un jour sans que les élites, qu’elles soient d’ailleurs pro ou anti construction européenne, ne stigmatisent l’UE et son fameux « déficit démocratique », maladie incurable pour beaucoup d’une structure qui se rêve un Etat alors qu’elle n’est qu’une organisation internationale, coalition de peuples qui se croirait un seul et même peuple.
Il faut s’attarder sur cette question démocratique car elle est le fil rouge de toute l’évolution de l’UE depuis son origine. La méfiance viscérale des Pères de l’Europe – au premier rang desquels Jean Monnet – à l’égard de la démocratie parlementaire, à la faillite de laquelle ils ont assisté dans l’Entre-Deux-Guerres-Mondiales- explique que l’UE se soit, à l’origine, revendiquée comme une structure technocratique, avec en son sein un organe essentiel, sorte de commissariat au Plan européen : la Commission. C’est contre cette idée initiale qu’au cours des quarante dernières années, pas à pas, le Parlement européen a progressivement acquis une place centrale dans l’UE. En 1979 avec l’élection au suffrage universel direct du Parlement. Dans les années 1990 avec la pression politique mise sur la Commission Santer. Dans les années 2000 avec la généralisation de la procédure de co-décision, procédure législative de droit commun, qui donne au Parlement le pouvoir de bloquer l’adoption de toute norme qui lui déplairait. L’on pourrait évoquer aussi le contrôle politique serré qu’il s’est arrogé, souvent de manière coutumière, en dehors des Traités, pour, par exemple, rejeter tel ou tel Commissaire ou imposer en 2014 le Spitzenkandidat, manœuvre que le pourtant très européen Valery Giscard d’Estaing avait qualifiée de « coup d’Etat ».
Rien, jusqu’à présent, ne semblait pouvoir interrompre la montée en puissance du Parlement, qui, seule permettrait de corriger la tare originelle d’une construction européenne éloignée des peuples. Les Etats membres, dont beaucoup, à commencer par la France, ont fait de la construction européenne le cache-sexe de leurs propres insuffisances, ont toujours vu la montée en puissance du Parlement comme bienvenue (à l’exception du Spitzenkandidat auquel ils n’ont pu s’opposer en 2014, mais qu’ils ont effectivement remisé en 2019). La Commission, tétanisée depuis 1999, a bien compris que le combat avait pour partie changé d’âme.
Le test manqué du COVID 19
Dans un contexte aussi favorable pour le Parlement européen la question se pose donc : pourquoi n’a-t-il pas pris prétexte de la crise du COVID 19 pour mettre en œuvre la responsabilité d’une Commission qui a tant failli, accroissant ainsi spectaculairement son pouvoir dans le système européen ? Ceci, alors même qu’avec 9 voix de majorité au Parlement (383 suffrages sur 374 requis), la Présidente de la Commission Ursula Von Der Leyen a été le chef de la Commission le plus mal confirmé ?
Beaucoup de raisons pourraient expliquer un tel renoncement, la première étant une fragmentation inédite des forces politiques qui le composent. Mais il faut faire une hypothèse plus grave : le Parlement européen, en réalité, ne veut pas jouer son rôle de contrôle politique. Plusieurs éléments l’attestent.
D’abord, ce n’est pas la première fois que le Parlement laisse passer sa chance de jouer son rôle et sanctionner l’exécutif européen. Souvenons-nous ici de la récente affaire Selmayr. Les conditions de nomination de l’ex-directeur de cabinet de Jean Claude Juncker au poste de Secrétaire général de la Commission ont constitué le contre-exemple parfait des règles de bonne gestion dont la Commission se prétend pourtant le chantre. Le Parlement tenait là une occasion rare, qu’il n’a pas saisie, de sanctionner la Commission.
Plus fondamentalement, tout à sa quête de pouvoir, le Parlement européen n’a que rarement fait usage de son pouvoir d’influence politique important. Prenons l’exemple de la crise grecque et du trucage des comptes publics qui a été constaté. Le Parlement européen, face à un tel scandale, aurait pu demander solennellement aux États membres de retirer aux établissements bancaires qui ont aidé la Grèce en ce mauvais coup – contre argent sonnant et trébuchant – leur licence bancaire dans l’ensemble des pays de l’UE. On pourrait continuer.
C’est dire, en définitive, que la crise du Covid, en plus d’une crise sanitaire et économique, est aussi une crise politique larvée pour l’UE. Il ne suffit pas, pour le Parlement européen et pour ceux qui croient que l’alpha et l’omega des problèmes de l’UE se résume à la question démocratique – ce que nous ne croyons pas – de sans cesse revendiquer de nouveaux pouvoirs pour les parlementaires européens. Encore faut-il qu’ils aient le courage de les exercer.
FREXIT !
L’Europe ne représente plus rien que sa propre vacuité.
Mais le parlement n’est qu’une planque dorée pour politiciens légèrement has been ou un peu cramés. Ils n’ont jamais émis la moindre opposition à la commission. Déjà qu’ils pleurent que Strasbourg est loin de Bruxelles…