Le rapport 2021 de Reporters Sans Frontières sur la liberté de la presse dans le monde était attendu, pour faire un bilan après une année de contraintes sanitaires dans les différents pays du monde. Effectivement, le rapport pointe bien la manière dont un certain nombre de régimes autoritaires ont profité des mesures de lutte contre la pandémie pour renforcer les restrictions à la liberté de la presse. RSF repère bien, également, un recul généralisé de la liberté de la presse, y compris dans les démocraties. Cependant, le rapport, quand il aborde ces dernières, fait preuve d'une certaine naïveté. A trop se focaliser sur les Etats , il oublie qu'il existe bien d'autres contraintes sur la liberté de la presse.
Reporters Sans Frontières vient de rendre public son classement mondial annuel de la liberté de la presse. La carte proposée ne change pas radicalement de couleurs par rapport aux années précédentes. En tête du classement, on trouve, comme les années précédentes, les pays scandinaves. En queue de classement, on trouve la Chine, le Turkmenistan et la Corée du Nord. Mais ce qui est intéresant, c’est le tableau d’ensemble, avec le constat d’un recul généralisé de la liberté de la presse, à l’occasion de la pandémie:
« Les journalistes sont confrontés à une “fermeture des accès” au terrain comme aux sources d’information, du fait ou au prétexte de la crise sanitaire. Seront-ils d’ailleurs rouverts après la fin de la pandémie ? L’étude montre une difficulté croissante pour les journalistes d’enquêter et de faire des révélations sur des sujets sensibles, en particulier en Asie et au Moyen-Orient, ainsi qu’en Europe« .
Effectivement, dans Le Courrier des Stratèges, nous avertissons régulièrement, depuis le début de la réponse sanitaire, sur le recul des libertés en général, et de la presse en particulier, à l’occasion des mesures prises par le gouvernement français ou ses partenaires de l’Union Européenne.
Si l’on en croit le rapport de RSF, la France illustre bien les glissements de terrain qui peuvent se produire puisque les mesures sanitaires sont loin d’y être le seul motif d’inquiétude quant au durcissement de l’Etat face à la liberté de la presse:
« Plusieurs journalistes ont été blessés par des tirs de LBD (lanceurs de balles de défense), de grenades lacrymogènes ou par des coups de matraque. D’autres ont été la cible d’interpellations arbitraires ou ont vu leur matériel de reportage saisi. Une partie de ces incidents ont notamment eu lieu lors des rassemblements contre la proposition de loi relative à la sécurité globale. Les journalistes d’investigation ne sont pas non plus à l’abri des pressions. Au cours de l’année 2020, au moins deux d’entre eux ont été convoqués par la police des polices (IGPN) dans le cadre d’enquêtes pour « recel de violation du secret professionnel », un recours qui peut menacer le secret des sources. «
Une certaine naïveté du rapport
On soulignera cependant une certaine naïveté du rapport. “Le journalisme est le meilleur vaccin contre la désinformation », a déclaré le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire en le présentant. « Malheureusement, sa production et sa distribution sont trop souvent bloquées par des facteurs politiques, économiques et technologiques, et parfois même culturels. Face à la viralité de la désinformation par-delà les frontières, sur les plateformes numériques et les réseaux sociaux, le journalisme est le principal garant pour que le débat public repose sur une diversité de faits établis.”
L’image de la vaccination est dérangeante parce qu’il s’agit d’un domaine où l’on a le sentiment que se déploient des intérêts constitués peu favorables au débat public, à la libre enquête et à la véracité de l’information, c’est bien celui-là. La manière dont les médias établis ont écarté, en France ou dans d’autres pays occidentaux, la présentation de thérapies non vaccinales ou bien ignoré les éventuels conflits d’intérêt que pouvaient avoir des experts invités sur les plateaux de télévision alors qu’ils avaient des liens contractuels avec des entreprises pharmaceutiques restera comme une page sombre de l’histoire des médias en démocratie. Et en l’occurrence, la censure d’Etat n’y est pour rien.
RSF s’obstine d’ailleurs dans la métaphore biologique, en parlant de « viralité de la désinformation (…) sur les plateformes numériques et les réseaux sociaux ». A lire une telle formule, on comprend que ce rapport annuel, dont on fêtera le 20è anniversaire en 2022, aurait besoin d’un bilan méthodologique. Peut-on continuer à opposer, comme le fait Monsieur Deloire, les médias établis et les médias non institutionnels, en faisant comme si ces derniers ne contribuaient pas à la qualité de l’information. Les fake news reposent-elles vraiment seulement sur la viralité des réseaux sociaux? Pourra-t-on continuer à publier un rapport sur la liberté de la presse sans tenir compte des pressions énormes exercées par les GAFAM, non seulement sur les internautes mais aussi sur les médias qui dépendent de la publicité?
La réalité du monde de l’information libre évolue à grande vitesse. Les menaces qui pèsent sur elle ne sont plus seulement le fait de la censure classique. Elles impliquent les grandes organisations internationales, des entreprises agissant mondialement ou de nouvelles méthodes de guerre de l’information. RSF le sent bien, d’ailleurs, qui vient de publier un autre dossier, passionnant, sur le développement de nouvelles méthodes par la Chine communiste pour influencer l’opinion mondiale.
« Reporters sans frontières » risquent fort de se voir opposées des frontières infranchissables.
Il faut mater le peuple et lui faire apprendre ses leçons au matraquage médiatique ainsi on pourra lui faire avaler les fake news qu’on est supposé combattre.