Le suivisme macronien du MEDEF, impulsé par Geoffroy Roux de Bézieux au nom d'une stratégie de "proposition", semble ne pas plaire aux petits patrons, qui marquent leur préférence nette pour une ligne plus offensive. C'est ce que montrent les résultats de la représentativité patronale et de sa mesure présentés hier par le ministère du Travail et par le Haut Conseil au Dialogue Social. Le phénomène illustre le malaise grandissant dans le pays vis-à-vis d'une gouvernance difficilement lisible et prévisible.
Le suivisme macronien du MEDEF n’est donc pas en odeur de sainteté chez les petits patrons, comme l’indiquent les chiffres de la représentativité patronale publiés hier par le ministère du Travail. Entre 2017 et 2021, soit depuis le début du quinquennat d’Emmanuel Macron, 40.000 nouveaux employeurs ont en effet adhéré à un mouvement patronal. Mais plus de la moitié d’entre eux ont rejoint les rangs de la CPME, relativement critique (à ses heures) vis-à-vis de la politique gouvernementale, et moins de 10% ont rejoint le MEDEF, dont le mot d’ordre est de suivre sans sourciller tous les errements du pouvoir en place.
Certes, le MEDEF est loin d’être menacé en tant que première organisation représentative des employeurs, au vu du nombre de salariés employés par les adhérents. Mais l’inflexion est significative.
La représentativité patronale au coeur des débats
C’est en 2014 que Michel Sapin, alors ministre du Travail, avait réformé la représentativité patronale, en figeant le principe du financement du paritarisme par une contribution obligatoire sur les salaires.
Nous ne reviendrons pas ici sur cette réforme contestable qui a constitué une occasion manquée de parfaire la réforme de la représentativité syndicale voulue par Sarkozy en 2008. Le gouvernement aurait pu, à cette époque, interdire le financement des organisations syndicales par des ressources autres que les cotisations. Mais le terrible immobilisme des partenaires sociaux a finalement obtenu gain de cause, et c’est à un ministre socialiste qu’est revenue la tâche de préserver un système obsolète qui oblige tous les employeurs à financer les syndicats de salariés et de patrons, sans avoir le choix de l’organisation qu’ils financent.
Tôt ou tard, il faudra régler cette affaire par un contentieux sur la liberté syndicale. D’ici là, les fonds du paritarisme destinés aux organisations patronales sont répartis selon le poids de chaque organisation en salariés “représentés”, pourvu que cette organisation soit représentative.
Autrement dit, la représentativité patronale est un système à deux tours. Le premier tour consiste à reconnaître des organisations comme représentatives ou non. Cette reconnaissance intègre des critères de nombre d’entreprises adhérentes et de salariés employés par ces entreprises (avec quelques critères supplémentaires pour les organisations interprofessionnelles, notamment sur le nombre de secteurs adhérents). Au second tour, celui de la distribution des fonds, seul le nombre de salariés employés par les adhérents compte.
Malaise face au suivisme macronien du MEDEF
Dans ce contexte complexe, on ressent bien le malaise des patrons, et spécialement des petits patrons, face au suivisme macronien du MEDEF.
Si le MEDEF est parvenu à gagner 810.000 salariés “couverts” en cinq ans, ce qui n’est pas rien, il réalise néanmoins une performance moindre que la CPME, qui en a gagné 1 million. Ce chiffre ne manque pas d’interroger, si l’on y ajoute que 100.000 entreprises ont rejoint les rangs de la CPME, et seulement 2.300 le MEDEF, sur ces entrefaites.
L’U2P ne réalise pas une performance nulle, mais assez étrange, puisqu’elle devrait être l’organisation représentative par excellence des auto-entrepreneurs ou micro-entrepreneurs. Pourtant, ils ne sont que 50.000 à l’avoir rejointe durant cette période, soit deux fois moins que la CPME. Là encore, le suivisme macronien relatif de l’U2P a joué en sa défaveur.
On voit bien que, dans la population des employeurs, mais plus encore dans celle des petits entrepreneurs, l’adhésion aux caprices gouvernementaux crée le malaise. Il y a incontestablement un rejet du macronisme chez les patrons qui n’est pas relayé par leurs organisations syndicales.
Le fossé se creuse entre les petits et les grands
On retiendra que la sécession progressive qui s’est installée dans le pays, entre les “petits” du pays réel et les membres de la caste au pouvoir a contaminé le monde patronal. Plus que jamais, le MEDEF apparaît comme l’organisation des grandes entreprises mondialisées, dirigées par une caste de managers, qui trouve dans la posture du Président de la République une ligne politique indépassable. Et plus que jamais, il paraît s’éloigner des entrepreneurs patrimoniaux qui se confrontent chaque jour aux difficultés grandissantes posées par une bureaucratie qui prolifère et une fiscalité qui matraque.
Cette scission interroge fortement sur la légitimité des prises de position patronales ces derniers mois. Beaucoup d’entrepreneurs prennent leurs distances, manifestement, sur les grandes questions qui occupent le champ social, comme l’interventionnisme étatique dans l’organisation du travail (avec un étau de plus en plus serré sur l’égalité hommes-femmes, la discrimination ou le télé-travail) ou la construction d’un monopole public sur les retraites.
Il est très probable que la prochaine fusion des régimens fiscaux des SARL et des SAS contribue à accroître ce malaise.
La guerre patronale aura-t-elle lieu ?
En attendant ces heures chaudes, la guerre patronale a commencé. Hier, à peine les chiffres de la représentativité publiés, la CPME lançait un communiqué triomphal sur sa performance, se présentant (indument) comme la première organisation représentative de France dans le monde patronal. De son côté, le MEDEF rappelait sa première position.
Partout dans la société française, les fossés se creusent… même dans le patronat.
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