On ne lit plus assez Jean de La Fontaine, sinon on n'aurait pas réélu Emmanuel Macron. Il y a trois siècles et demi, le fabuliste rédigeait une fable suffisamment inoubliable pour être devenue proverbiale: on appelle "mouche du coche" une personne qui s'agite dans tous les sens pour donner l'impression qu'elle commande aux événements, mène les hommes, résout les situations. Mais il faut relire la fable dans son entier. Il n'est pas besoin de grande transposition pour voir Emmanuel Macron s'affairer de tout côté, au G20 de Bali, sans être pour rien dans ce qui se passe mais s'en attribuant pourtant le mérite.
LE COCHE ET LA MOUCHE
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un Coche.
Femmes, Moine, Vieillards, tout était descendu.
L’attelage suait, soufflait, était rendu.
Une Mouche survient, et des Chevaux s’approche ;
Prétend les animer par son bourdonnement ;
Pique l’un, pique l’autre, et pense à tout moment
Qu’elle fait aller la machine,
S’assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;
Aussitôt que le char chemine,
Et qu’elle voit les gens marcher,
Elle s’en attribue uniquement la gloire ;
Va, vient, fait l’empressée ; il semble que ce soit
Un Sergent de bataille allant en chaque endroit
Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
La Mouche en ce commun besoin
Se plaint qu’elle agit seule, et qu’elle a tout le soin ;
Qu’aucun n’aide aux Chevaux à se tirer d’affaire.
Le Moine disait son Bréviaire ;
Il prenait bien son temps ! une femme chantait ;
C’était bien de chansons qu’alors il s’agissait !
Dame Mouche s’en va chanter à leurs oreilles,
Et fait cent sottises pareilles.
Après bien du travail le Coche arrive au haut.
Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :
J’ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Ca, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.
Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S’introduisent dans les affaires :
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés.
Bien vu !
« Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S’introduisent dans les affaires :
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés. »
Mais les français par le verbe subjugués
Se sont empressés de le rappeler.
Oubliant les tourments des années passées
Et se souvenant trop tard qu’il fallait l’écarter.
Joli !
Georges de Montpellier nous rappelle ce qu’il pense réellement de ceux qui l’ont élu.
https://www.politis.fr/blogs/2010/03/georges-freche-prend-les-electeurs-pour-des-cons-et-le-prouve-9886/
Pour la politique de Kiev depuis la révolution orange et le choix de l’ ‘amitié’ et du soutien militaire otanesques contre l’influence russe , je recommande à votre attention une autre fable de la Fontaine : ‘le jardinier et son seigneur’ :
‘ Petits princes, videz vos débats entre vous :
De recourir aux rois vous seriez de grands fous,
Il ne les faut jamais engager dans vos guerres,
ni les faire entrer sur vos terres;’
La fable était, je crois, un commentaire des mésaventures de certains petits états européens qui avaient subi l’aide dévastatrice de la France dans leurs querelles intestines, et c ‘est aujourd’hui une leçon pour les Européens en général dans leurs rapports avec les anglo-américains.
Rien de tel qu’un esprit intemporel comme La Fontaine pour nous aider à déceler, sous des formes nouvelles, des travers vieux comme le monde. La mouche de la fable, cela peut en effet être Macron et ses gesticulations, mais au-delà des personnes dotées d’une telle mentalité, ce sont aussi toutes ces organisations importunes qui prétendent dicter aux nations leur conduite et aux gens leur manière de vivre. Avec les nombreuses entités collectives au statut juridique parfois ambigu qui, ces temps-ci, font les “empressées” et les “nécessaires”, la nuisance de la mouche est devenu fléau. L’immense La Fontaine est une mine très riche (merci à Edouard Husson de citer cette fable). L’excellent livre que lui a consacré Marc Fumaroli situe l’écrivain à son juste niveau.