Grossie par les intérêts partisans quand on la considère depuis Paris ou Rabat, la crise diplomatique en cours entre la France et le Maroc est avant tout un bon révélateur de la relégation de la France, devenue simple courroie de transmission de l’euromondialisme, sur la scène internationale.
Sur le fond, on peut certes émettre des doutes – que ce soit sur les accusations de néo-colonialisme à l’encontre de la France, émises par des acteurs africains qui s’accommodent par ailleurs sans problème d’autres tutelles (états-uniennes, israéliennes ou chinoises), à l’encontre d’une ancienne métropole coloniale dont les prédations (marquées au coin de l’universalisme, tantôt catholique, tantôt maçonnique) n’étaient finalement pas si unilatérales que ça.
Ou encore, quant aux enjeux supposés de la discorde : la question du Sahara occidental (comparable en cela à la question du Karabagh entre Turcs et Arméniens), probablement plus crucial dans le débat politique local (marocain et algérien) qu’à l’échelle internationale.
Le Maroc n’a plus peur de la France
Mais, comme d’habitude, le ton des réactions – en l’occurrence, celle d’un blogueur marocain assez en vue – est plus intéressant que le fond de l’affaire. Ce ton est en effet marqué par une décomplexion qui tranche avec l’ancienne habitude de révérence face à une « puissance européenne » : défendant son pays contre la chasse aux sorcières en cours à Strasbourg, le blogueur Naïm Kamal n’hésite pas à rappeler que « Anticor, une association (…) anticorruption (…), évalue la corruption au sein de l’Union européenne à 981 milliards d’euros par an dont 120 milliards, presque l’équivalent du PIB marocain, rien qu’en France ». Réponse du berger à la bergère : non seulement le « Grand Sud » n’ignore pas la nature de bourse de la corruption institutionnelle qui est celle du Parlement européen, mais désormais, il n’hésite plus à en parler.
Complice du suicide industriel européen, et engoncée dans un délire idéologique qui ne lui laisse plus aucune marge de manœuvre diplomatique, la France ne fait plus illusion en Afrique du Nord – dont les élites risquent fort de compenser en effronterie présente toutes les humiliations causées dans le passé par leur propre servilité. Oderint dum metuant, « qu’ils nous détestent, du moment qu’ils nous craignent », disaient les Latins : mais qui va, aujourd’hui, avoir peur du mari du Brigitte ?