Officiellement, bien entendu, la France continue à peser dans l’Europe et dans les institutions européennes, depuis qu’Emmanuel Macron a été élu président de la République. Dans la pratique, la longue pente de l’influence française en Europe connaît un coup d’accélérateur dans sa dangereuse inclinaison en faveur d’un grand remplacement par l’Allemagne. La nomination au forceps de Martin Selmayr (ancien directeur de campagne, puis de cabinet, du luxembourgeois Juncker porté par Merkel à la présidence de la Commission) au poste-clé de secrétaire général de la Commission n’y est pas pour rien.
Bien entendu, il y a les postes-clés que nous avons rappelés, pour lesquels l’Allemagne aligne au moins un candidat devant trois des quatre nominations: Angela Merkel (officieusement) pour la présidence du Conseil, Manfred Weber pour la présidence de la Commission, Jens Weidmann pour la présidence de la Banque Centrale Européenne. Avec beaucoup d’habileté, Angela Merkel oblige la France à livrer combat contre la nomination de Weber à la présidence de la Commission pour mieux faciliter le choix à un autre poste. Nous parions ici que le vrai enjeu de l’Allemagne est de placer Weidmann à la tête de la BCE pour mettre fin à l’assouplissement monétaire de Draghi.
Mais, en-deçà de ce niveau de combat, une autre lutte d’influence se joue, sous le contrôle de Martin Selmayr. Celui-ci vient de remplacer deux directeurs généraux français, dans des directions stratégiques de la Commission, par une Allemande et une Danoise. Sabine Weyand, Allemande adjointe de Michel Barnier dans la négociation du Brexit, devient directrice générale du Commerce à la place du français Demarty. La danoise Ditte Juul-Jorgensen, actuellement cheffe de cabinet de la commissaire à la Concurrence, devient directrice générale de l’énergie à la place du français Guersent.
Voici comment, derrière le nuage de fumées projeté par les négociations pour les postes-clés « politiques », la France perd de l’influence. A force d’avoir des élites parisiennes qui n’ont que le mot « Europe » à la bouche, mais qui ne s’y intéressent pas vraiment. Progressivement, l’Allemagne nous remplace.