La solidité des banques françaises va-t-elle, comme à chaque crise majeure, devenir un sujet d’inquiétude et appeler à un sauvetage coordonné par l’État ? On n’en est pas encore là, mais les premiers signaux de préoccupation viennent d’être émis par l’agence de notation Standard and Poor’s. La mécanique ressemble à ce qu’on avait connu en 2008…
Dès le début de la crise, les banques françaises se sont empressées de communiquer sur leur solvabilité, leur solidité, leur bonne santé, etc. Comme toujours, en communication, on n’énonce que ce qui ne coule pas de source.
Les banques françaises ont déjà obtenu des assouplissements réglementaires
Rappelons que, depuis plusieurs semaines (c’est-à-dire bien avant qu’on ne parle de confinement), les banques françaises n’ont pas dit non, et ont même vivement souhaité, un assouplissement des normes comptables dites IFRS qui les oblige à constituer des fonds propres en rapport avec leur prise de risque.
Au passage, les assureurs-vie français ont obtenu de Bercy une mesure équivalente : l’intégration partielle dans leurs fonds propres des bénéfices appartenant aux clients Cette opération de passe-passe n’est pas très glorieuse, mais elle est passée inaperçue et a bien aidé des institutions épuisées par les taux négatifs.
Les agences de notation dégradent la note des banques françaises
Ces choix réglementaires ont un effet pervers : ils encouragent à la prise de risque inconsidérée en rendant celle-ci moins coûteuse pour le banquier. Ce faisant, les bilans des banques devraient se dégrader mécaniquement, dans un contexte de crise mondiale et de risque accru.
Sans surprise donc, Standard & Poor’s a pris une première mesure d’avertissement sur la situation des banques :
« Si nous nous attendons à ce que les banques en France restent résistantes face à ce choc économique de court terme, nous pensons qu’il aura un impact important sur la qualité des actifs, le chiffre d’affaires, la rentabilité, la liquidité et éventuellement, la capitalisation », a indiqué l’agence.
« Nous pensons que très peu de ces tendances négatives devraient être visibles dans les résultats du premier trimestre des banques françaises mais nous envisageons qu’elles deviennent de plus en plus évidentes au cours de l’année 2020 et qu’elles persistent en 2021. »
Cette anticipation pousse Standard & Poor’s à dégrader de « stable » à « négative » la perspective des notes de crédit de BNP Paribas, Crédit Agricole, BPCE, Natixis et Crédit Mutuel. La perspective sur la note de Société générale reste à « stable », l’agence l’ayant déjà abaissée au début du mois.
Premières pertes retentissantes des banques françaises
Si ces dégradations de note vers une perspective « négative » ne doivent pas inquiéter outre mesure (il s’agit d’un début de processus qui continuera tout au long de 2020), on ne peut ignorer que les premières pertes arrivent dans nos banques.
Nous avons évoqué hier la déconvenue pour certaines banques françaises frappées par la faillite d’un courtier de Singapour qui avait emprunté 4 milliards $. Nous pouvons aussi citer les pertes subies par la Société Générale (tiens, tiens!) sur le marché des produits dérivés.
Selon les informations récoltées par ‘Bloomberg’ auprès de personnes proches de la banque rouge et noire, la SocGen aurait perdu entre 150 et 200 ME sur ses dérivés actions au cours des trois premiers mois de l’année. L’établissement aurait notamment souffert de son exposition aux contrats à terme sur les dividendes. Ces derniers sont des produits dérivés que les investisseurs utilisent pour spéculer sur les dividendes que les entreprises versent à leurs actionnaires. La multiplication des annonces de report ou de suspension de paiements en raison de la crise du Covid-19 a logiquement pesé sur ces produits.
Une fois de plus, les opérations sur les marchés dérivés suscitent donc des inquiétudes et des pertes… Nous pronostiquons que nous ne sommes qu’au début des déconvenues.