Les assureurs-vie sont résignés. Même si, aujourd’hui, les projets de Bercy ne sont pas clairement dévoilés, tous s’attendent à payer le prix fort pour rembourser les engagements de l’État dans la crise. Les différents appels à la taxation lancés par la députée Pires-Beaune, par Laurent Berger, et d’autres, ne devraient pas rester lettre morte. Une fiscalisation des contrats est à prévoir, à moins qu’une taxe exceptionnelle ne torde le cou à la règle de non-rétroactivité. Dans tous les cas, les assureurs partent battus d’avance.
Les assureurs-vie se savent dans le collimateur
Et voilà ! la chasse à l’argent est ouverte… Bercy est désormais poussé dans ses retranchements par de forts besoins en liquidité, dus aux immenses engagements de l’État pris pour sauver l’économie. De là à ce que le remède ne soit pire que le mal, il n’y a qu’un pas. Mais, pour l’instant, la panique devant l’effondrement des comptes publics, et peut-être bientôt privés aidant, c’est la fuite en avant et au diable les lendemains qui déchantent. L’enjeu est de tenir jusqu’à la fin de la première journée de bataille.
Dans cette course de l’État à la liquidité, qui rime souvent, voire toujours, avec course à la taxe en France, les assureurs-vie sont bien l’antilope que nous décrivions récemment au milieu d’une horde de lions endormis, et tout laisse à penser que les lions se sont finalement réveillés. Ils ne devraient faire qu’une bouchée de l’assurance-vie et de ses avantages fiscaux.
Les avantages fiscaux de l’assurance-vie menacés
Les derniers chiffres produits par la FFA indiquent désormais que les en-cours de l’assurance-vie avoisinent les 1.700 milliards, dont une part substantielle placée sur quelques gros contrats. Assez logiquement, les dépenses fiscales liées à ces contrats devraient passer à la trappe et l’État ne manquera probablement pas de récupérer fissa l’argent que tant de gens considèrent être un dû, quand bien même il serait protégé par des principes de non-rétroactivité. On peut raisonnablement compter sur un rabotage radical de la dépense fiscale dès cette année.
Au besoin, Bercy ne devrait pas lésiner sur une taxe exceptionnelle équivalent au moment de la niche. Si la mesure s’arrêtait là, les assureurs-vie pourraient s’estimer heureux, car ils sauveraient l’essentiel.
Le risque d’une taxe sur les contrats les mieux dotés
Toute la question est évidemment de savoir si Bercy se contentera de raboter les dépenses fiscales liées à l’assurance-vie, ou si les argentiers voudront pousser le vice jusqu’à confisquer directement une partie de l’épargne qui prospère sur quelques gros contrats. N’oublions pas que la prédation de l’État sur l’épargne privée en cas de coup dur est une technique vieille comme la France. Philippe le Bel avait déjà pratiqué cet art au tournant des années 1300, avec la communauté juive d’abord, avec les Templiers ensuite.
Il suffit de lire les propos haineux des députés de la France Insoumise contre les actionnaires de Sanofi ou de Korian pour comprendre qu’avoir un contrat d’assurance-vie avec un en-cours supérieur à 130.000€ devrait rapidement relever du crime contre l’humanité. Pour l’instant, le débat public est encore calme en France, mais lorsque les premières vagues de licenciement arriveront, l’ambiance devrait rendre ce genre de considération tout à fait banal.
Eric Chaney annonce le pire
Sur ce point, on écoutera avec intérêt les propos de l’ancien économiste d’Axa Eric Chaney tenus sur BFM Business. Pour ce parfait connaisseur de l’assurance, la cause st d’ores et déjà perdue. Les plus fortunés devraient être rapidement passés à la moulinette. Toute la difficulté en France est de savoir ce qu’on appelle une personne “fortunée”. La définition donnée par François Hollande en son temps (les gens gagnant plus de 4.000€ par mois) avait donné des sueurs froides à certains. Nul ne sait celle qui sera retenue dans les prochains mois. Mais la tribune de la députée Pires-Beaune citées dans nos colonnes permet d’imaginer que le seuil de taxation de l’héritage est un point de fixation qui devrait, au minimum, servir d’étalon pour la refiscalisation de l’assurance-vie.
Les assureurs vont payer cher leurs loupés de communication
Dans cette affaire, l’assurance va payer très cher la désastreuse communication conduite par sa fédération professionnelle depuis le début du confinement. Comme l’expliquait François Asselin dans nos colonnes, la FFA a donné le sentiment de snober l’ensemble de la planète et de ne vouloir exister qu’auprès des pouvoirs publics. Cette complaisance vis-à-vis des puissants, et ce mépris affiché pour les assurés (avec des airs de bourgeois outrés par la pression des solliciteurs en sabot), devraient déboucher sur une addition très salée.
Cette position est absurde si l’on songe à l’attachement des Français à l’assurance-vie. Mais l’incapacité de la profession à admettre le jeu de la communication contemporaine et à ne plus se penser comme une énième sous-direction du Trésor sont parvenus à transformer un atout majeur en objet de détestation. Il y a donc peu de chance pour que les assureurs échappent au pire.
Vers une aversion généralisée pour l’épargne financière ?
Plus globalement, la période qui s’ouvre devrait être néfaste pour l’épargne financière et pénaliser également les plans d’épargne retraite. Les assureurs qui en commercialisent risquent de se trouver dans une tenaille désagréable. D’un côté, l’attractivité des produits financiers devrait être fortement réduite. On pense à l’assurance-vie dont la collecte devrait fortement diminuer en avril, mais aussi à l’ensemble des produits en rente. De l’autre, de nombreux assurés risquent d’avoir un besoin en liquidités qui pourrait se traduire par des rachats de contrats.
Bref, sale temps pour les assureurs. Et pour les épargnants.