C’est un document édifiant dont nous proposons aujourd’hui à nos lecteurs de prendre connaissance : il s’agit d’un courrier pour le moins critique récemment adressé à Franck Von Lennep, le directeur de la Sécurité sociale, par un fin connaisseur du dossier du transfert à l’ACOSS du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO.
Ce courrier esquisse les contours du probable nouvel accident industriel – après celui du RSI – qui devrait survenir dans le paysage institutionnel de la protection sociale.
« Une véritable régression » sociale
A la fin du mois de janvier, Emmanuel Prévost, le président de l’association simplification dématérialisation des données sociales (SDDS), l’association qui regroupe les éditeurs de logiciels et prestataires de services dans le domaine social – et dont le rôle est central dans l’élaboration des programmes de paie – a pris sa plume afin de faire savoir au directeur de la Sécurité sociale tout le mal qu’il pense du projet de transfert à l’ACOSS du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO tel qu’il est proposé en l’état. Se situant au cœur du processus de construction des politiques publiques de la déclaration sociale, il n’hésite pas à dire au directeur de la Sécurité sociale que ce projet emporte « une véritable régression » sociale.
Rappelant l’objectif théorique de la DSN d’un recouvrement qui soit nominatif, Emmanuel Prévost se déclare « énormément surpris » du mode opératoire que l’ACOSS entend mettre en œuvre afin de réaliser elle-même cette opération dans le domaine de la retraite complémentaire. Plutôt que de reprendre le principe qui y est aujourd’hui appliqué de la maille nominative, l’ACOSS veut procéder par le moyen de « nouveaux codes CTP [de déclaration sociale] » dont le président de la SDDS précise, en s’en émouvant, qu’ils « fonctionnent en agrégés !! ». Qualifiant ce choix de « véritable régression » sociale, il ajoute ne pas comprendre « pourquoi ce choix n’a pas été stoppé dès sa formulation ». L’ambiance est chaude.
L’usine à gaz du projet actuel de transfert à l’ACOSS
D’après Emmanuel Prévost, qui rappelle qu’il ne remet pas en cause « le bien-fondé » du principe du transfert à l’ACOSS du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO, le projet actuellement porté par les pouvoirs publics a toutes les apparences de l’usine à gaz. « Alors même que la DSN a été lancée sur une promesse de simplification pour les entreprises, les contraintes des organismes de protection sociale semblent de nouveau imposer leur dictat » tonne-t-il. Ainsi le spectre de l’accident industriel du RSI refait-il son apparition.
Emmanuel Prévost justifie son jugement sévère en invoquant les « développements complexes que vont devoir entreprendre les éditeurs pour se conformer à cette régression » ainsi que les « nombreuses erreurs » qui ne devraient pas manquer de survenir à l’occasion du transfert « en raison de l’impréparation des différents acteurs ». Editeurs et entreprises, déjà fortement sollicités afin d’accompagner la crise en cours, « ne pourront supporter un tel projet en surplus », prévient le président de la SDDS.
Bien lancé, il ajoute que l’ACOSS ne fournit toujours pas de précision quant à la manière dont elle entend gérer « les cas complexes de cotisations AGIRC-ARRCO ». Il fait probablement ici référence, entre autres choses, aux cas des entreprises cotisant à un taux plus élevé que le taux contractuel – près de 20 % d’entre elles d’après FO – ou encore aux cas de salariés en fin de carrière cotisant sur la base d’un taux plein alors qu’ils ne travaillent plus qu’à mi-temps. La perspective d’un transfert à l’ACOSS, dès l’an prochain, du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO, n’apparaît décidément pas évidente.
Une « gouvernance » de projet déficiente
D’après Emmanuel Prévost, tous ces dysfonctionnements prévisibles résultent finalement d’une « gouvernance » déficiente du projet de transfert. Il affirme en effet que cette gouvernance « ne semble plus exister ». Non pas, faut-il croire, parce que le projet est sans maître d’œuvre, mais bien plutôt parce qu’une fois de plus, les représentants de l’Etat veulent concentrer le processus décisionnel entre leurs mains.
Le président de la SDDS regrette que, contrairement à ce qui a prévalu « lors de l’avènement de la DSN », les entreprises et les éditeurs [rassemblés par la SDDS, ndlr] ne soient pas associés à la définition des conditions du transfert à l’ACOSS du recouvrement des cotisations AGIRC-ARRCO. « Alors même que les éditeurs de la SDDS ont montré qu’ils savaient mener à bien des projets en co-construction (prélèvement à la source notamment), il est bien dommageable que la méthode adoptée sur celui-ci y déroge totalement » dénonce M. Prévost.
En somme : selon lui, si la DSS ne rectifie pas rapidement le tir, l’accident industriel est inévitable sur le transfert à l’ACOSS du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire.
« un nouvel accident industriel se profile » oui peut-être mais avant tout un gaspillage énorme (sûrement des centaines et des centaines de millions d’euros) sur le dos de tous les salariés et de tous les retraités affiliés à l’AGIRC-ARRCO car ce sont les cotisations prélevées sur le salaire brut de chaque salarié qui vont être détournées pour servir à financer un projet qui aura de très grandes difficultés à aboutir compte tenu de la complexité de la gestion des appels de cotisations des différentes populations gérées au sein du régime complémentaire AGIRC-ARRCO, complexité qui peut échapper même à des énarques ou à des chefs de projets informatiques, tant les spécificités sont nombreuses !
Si ça marche au bout de n années que deviendra le personnel employé à cette tâche dans les caisses de retraite AGIRC-ARRCO ?
VERS LE SCANDALE DU RSI.
Le projet DSN avait justement pour objectif de transformer les acteurs (privés ou publiques) de la protection sociale en «fournisseurs« des entreprises, en leur permettant de se « débarrasser » au fil de l’eau de leurs déclarations sociales, et en laissant à la charge des organismes de protection sociale la gestion de leur complexité.
Les cotisations et les éventuels ajustements annuels devant être payés à partir de factures et d’ajustement de comptes clients annuels.
La concentration par l’ACOSS des prélèvements AGIRC-ARRCO et …(demain?) Prévoyance des salariés n’entre pas dans les compétences techniques de l’ACCOSS, du fait de la gestion non-forfaitaire adaptée par collège ou salarié de l’entreprise.
Dans cette réforme, il n’y a aucune valeur ajoutée pour les entreprises, ni pour les salariés, la DSN la rend inutile.
Après le RSI, après la gestion de la crise sanitaire la fonction publique devrait faire preuve de modestie …mais évidemment mettre les mains sur les milliards de L’AGIRC-ARRCO…c’est reprendre la réforme des retraites par d’autres moyens pour paraphraser Clausewitz.