Par Hélène Strohl-Maffesoli - « Laisser de côté les fake news, cela va de soi, mais écouter les différents sons de cloche requiert de continuer à penser tout en observant le principe de prudence, car la Covid 19 n’est ni la fin du monde, ni un fantasme. »
Jean Furtos est psychiatre des Hôpitaux honoraire, ancien chef de service en psychiatrie au Centre hospitalier de Lyon-Bron et membre permanent de l’Association mondiale de psychiatrie sociale (WASP). D’orientation psychanalytique, il a cultivé les marges, celles des thérapies corporelles qui déferlaient en France dans les années 1970, puis celles du travail avec les “politiques” , juristes ou sociologues.
Et celles, surtout, des troubles qui, pour une bonne part, relèvent de marges sociales et remettent en cause la définition de la maladie mentale. Inventif et engagé, il a mis en place de véritables réseaux de soins pour une “clinique psychosociale” . Intéressé par le lien entre les pratiques émergentes, convaincu de la nécessité de fédérer des courants et de développer la recherche dans ce domaine, il a fondé l’Observatoire national Santé mentale & Précarité (Orspere-Samdarra) ainsi que la revue Rhizome (http : //www.orspere. fr/). Parmi ses très nombreuses publications, on citera notamment Les Cliniques de la précarité (Masson, 2008) et De la précarité à l’autoexclusion (Rue d’Ulm, 2009, 8e tirage 2018).
On peut se demander, en ces temps d’hystérie collective, où s’affrontent « covidisés » et prétendus « complotistes », dans un climat d’agressivité et de peur bien entretenues par un pouvoir médiatico-politique en mal d’emprise sur l’opinion si certains ont même commencé un jour à penser.
Ces pseudo experts qui n’ont de connaissances éprouvées par l’expérience que celle des plateaux télé, ces journalistes pour qui vérité du jour vaut doxa éternellement réversible, ces politiques les yeux rivés sur les sondages qu’ils commanditent au jour le jour, pour mieux faire vendre les produits d’un capitalisme mondial triomphant savent-ils ce que penser veut dire ?
Jean Furtos, psychiatre émérite, promoteur d’une psychiatrie pour les précaires dénuée de toute la dégoulinante sentimentalité qui entoure la plupart du temps les politiques et les hauts fonctionnaires qui font leur carrière dans « le social » ou le charity- business, Jean Furtos agit et pense à partir de sa pratique, de sa clinique, individuelle et collective.
Il n’est pas de ceux qui courent les plateaux télé ni d’ailleurs les « groupes de travail » du ministère de la santé, il n’est sans doute pas membre de diverses autorités, mais il est un expert de son domaine qui a largement fait avancer la réflexion collective et la sienne propre sur la précarité.
C’est à partir de cette réflexion, de cette expertise qu’il pense la crise sanitaire actuelle.
Il ne prend pas parti dans les débats d’infectiologues, d’épidémiologistes, de généticiens sur la gestion de la crise. Tout au plus note-t-on une petite réflexion de ci, de là, sur ceux qui s’expriment sur les réseaux sociaux qui n’ont pas uniquement tort. Mais il situe, délibérément le débat sur un autre plan, celui de la signification pour les précaires et finalement pour nous tous des extraordinaires mesures prises pour juguler l’épidémie : confinement c’est-à-dire assignation à résidence, fermeture de nombreux commerces et lieux de rassemblements « non essentiels », maintenant (il écrit avant la campagne de vaccination) vaccination imposée aux soignants, et imposée indirectement par le pass sanitaire et le pass vaccinal.
Il repère au nom de quoi cette imposition mortifère se fait, c’est-à-dire au nom de la protection, de la conservation du « corps nu ». Qu’est-ce que le corps nu ? sinon la pure vie matérielle individuelle, coupée de sa relation aux autres, coupée de son inscription dans le temps, dans l’histoire de sa famille, de son espèce, de la terre.
Reprenons donc le cheminement de ce livre majeur.
Tout d’abord Jean Furtos décrit la stratégie de la peur. L’utilisation des chiffres, jamais rapportés à la situation ordinaire, ni en France, ni dans le monde, l’utilisation de l’annonce du nombre de décès cumulés depuis le début de la crise, la confusion sciemment entretenue entre tests positifs et cas, alors que 90% des personnes positives, notamment les enfants, sont asymptomatiques et ne seraient pas détectés s’agissant de n’importe quelle autre maladie.
Il analyse ensuite comment ce climat de peur se manifeste et s’entretient. Par un monoidéisme, on ne parle que de ça, par une paranoïa de type schizophrénique, chacun prenant de plus en plus l’autre comme un danger ; et comment cette stratégie de la peur est l’intervention d’un biopouvoir visant à faire basculer les personnes de la bonne précarité dans une mauvaise précarité.
« La peur de la contagion virale provoque, sous une forme majorée, des effets que nous connaissons en dehors du contexte pandémique… une angoisse torpide de la contagiosité interhumaine en période précaire ». La période précaire étant le basculement de la bonne précarité dans la mauvaise précarité, la précarité excluante de tout rapport social.
Car Jean Furtos est le psychiatre expert incontestable de l’analyse psycho-sociale de la précarité. Dont il a étudié les manifestations pathologiques bien au-delà des rapports officiels, dont il a analysé avec le concours d’un sociologue les manifestations collectives, dont il a discuté au niveau international les « causes » économico-sociales.
Il se démarque des bonnes âmes notamment ministérielles qui pleurent sur les défavorisés, sur l’inégalité d’accès aux soins, sur les effets psychiques de l’exclusion, mais qui sont incapables de rapporter ces phénomènes qui sont devenus au fil des ans leur fonds de commerce, aux véritables causes, non pas tant les inégalités économiques que ce que Bauman appelait la société liquide, la mise en flux au niveau mondial, des biens, des valeurs et des hommes.
Mais justement pour bien évaluer la précarité à sa juste valeur, il ne faut pas faire de la vulnérabilité une catégorie trop ou pas assez englobante.
Trop englobante quand on considère que sont vulnérables individuellement, ne sachant se défendre contre rien la grande majorité d’une population : les personnes de plus de 65 ans, les personnes souffrant d’un handicap, les mineurs, les femmes !! ou pas assez englobante car on ne comprend pas que la vulnérabilité, c’est-à-dire le besoin de l’autre est une caractéristique de toute condition humaine. Ce que Jean Furtos nomme la bonne précarité : « La bonne précarité est le fait d’avoir absolument besoin de l’autre, des autres pour vivre dans l’immense incertitude de la vie ».
La « bonne précarité » est la caractéristique commune de l’espèce humaine, celle qui pousse le bébé à chercher le sein et le refuge de sa mère, celle qui nous inscrit dans le grand temps de notre communauté de vie. Durant la modernité cette précarité s’est en quelque sorte individualisée. L’homme devient « autonome » ou en tout cas vise l’autonomie, sa boussole est la Raison. Raison qu’il a peur de perdre comme il avait peur de perdre le logis, la nourriture, la chaleur du foyer. Mais durant la postmodernité (J. Furtos emploie un peu cette notion), la précarité individuelle qui fondait sur la raison et les croyances dans les grands récits son inscription sociale en est en quelque sorte détachée. L’individu est pris dans un maelström de flux financiers, matériels qui le réduisent à l’état d’objet fluctuant. Il n’a plus confiance en soi, il n’a plus confiance en l’autre, il n’a plus confiance dans le grand temps. On pourrait dire aussi en termes plus sociologiques qu’il n’est plus inscrit dans sa (ses) communauté(s) de vie, qu’il n’est plus inscrit dans la chaîne du temps, enraciné dans le passé de sa communauté, de son espèce, regardant avec confiance le présent, sans reporter sur le futur attente excessive ou peur panique.
Il y a une précarisation de la vie collective, on pourrait dire que la vie individuelle et collective est en quelque sorte hors sol. Mais tant que cette forme de précarité est cause de souffrance et par là de capacité à demander et offrir l’aide de l’autre, des autres elle n’est pas excluante.
Elle devient excluante quand les individus disparaissent de la scène sociale, volontairement ou contraints, quand ils ne sont plus en capacité de demander de l’aide.
Jean Furtos montre que durant les confinements, ce sont les personnes privées de tout accompagnement social et non pas les plus fragiles qui ont basculé dans la dépression, cette forme d’exclusion de la vie sociale. Les personnes suivies dans son hôpital de jour, personnes vulnérables, souffrant de troubles psychique, mais à qui leurs soignants téléphonaient très régulièrement ont plutôt bien vécu ce deuxième confinement au contraire de leurs proches, laissés seuls, sans accompagnement social. Ce qui montre bien que ce qu’on appelle exclusion sociale n’est pas une caractéristique individuelle, mais un processus sociétal. Or toutes les politiques sociales sont basées sur une catégorisation des individus en populations plus ou moins vulnérables. Ce que décrit Jean Furtos est un processus social et non pas des caractéristiques individuelles. Et il montre bien comment la gestion capitalistique des hommes comme autant de « flux » détruit cette interaction solidaire, réduit chacun au corps nu.
L’effet de la gestion de la pandémie dès lors que le seul objectif était la préservation du corps nu, c’est-à-dire de la vie définie comme non mort, dénudée de ses relations aux autres, de son ancrage communautaire, de son inscription dans un temps long, a été cette exclusion de nombre de personnes, auto-exclusion sous l’effet de la peur panique, exclusion orchestrée par le pouvoir, avec notamment les pass sanitaires puis vaccinaux.
Pour décrire cette stratégie de la peur, Jean Furtos reprend à Michel Foucault le terme de « bio pouvoir ». Alors que le pouvoir, à l’époque pré-moderne ne se préoccupait que de l’obéissance des sujets à payer l’impôt et faire la guerre, le pouvoir moderne a pour ambition la gestion de la vie privée et du corps des individus : hygiénisme et médicalisation de l’existence. Jean Furtos, s’appuyant sur les travaux d’Agamben montre comment le bio pouvoir, dans une situation d’exception qui dure, au nom de la préservation de la vie nue, va instaurer un totalitarisme semblable à celui des camps, nonobstant que le processus à l’œuvre est de l’ordre d’une cruauté froide et non pas d’une cruauté chaude.
Deux thèmes mériteraient d’être discutés avec l’auteur.
D’une part, ce biopouvoir aboutissant à une forme de totalitarisme froid est-il une sorte d’apogée, d’acmé de l’idéologie de la modernité, productiviste, matérialiste, rationaliste et individualiste ou est-il l’arme de guerre de ce que Bauman nomme la société liquide, cette mondialisation tout entière dirigée par la logique des flux financiers.
Et justement, quand Furtos parle de cette bonne précarité, cet ancrage dans le réseau social qui entoure chacun, vise-t-il à ce que Tönnies appelait le lien social communautaire, celui que l’on entretient avec ses proches (du territoire, des croyances et idéaux partagés, des passions communes) ou le lien social de la démocratie représentative, celui dans lequel on confie à des experts et des sachants le pouvoir d’orienter nos vies.
Pour le dire autrement, l’analyse de Michel Foucault et d’Agamben est-elle particulièrement bien adaptée à la politique sanitaire telle que l’a pensée la modernité, jusqu’aux lois de 2002 à 2005 instaurant une démocratie sanitaire, visant à l’autonomie de chaque sujet ? Et dès lors la gestion de la pandémie, aboutissant à l’effacement de tout cet acquis de démocratie sanitaire, le consentement libre et éclairé, le devoir de soin du médecin en accord avec le malade, l’information des malades sur les risques des traitements etc. n’est-elle pas le signe de la fin d’une époque, celle de la modernité ?
On le sait les transitions entre époques sont des périodes de grande crise, pas seulement épidémique, mais aussi de misère et de pénurie économique, de bouleversement culturel et spirituel, de panique. La fin de l’empire romain comme la fin du Moyen-Âge ont connu des épisodes de bouleversement.
La reconstruction ne s’est pas faite par un changement institutionnel, par une révolution politique, pas non plus par un projet d’ensemble. Mais plutôt par la lente émergence de multiples initiatives communautaires, locales et solidaires. La multiplication des monastères à partir du VIe siècle, l’essor des villes, des corporations, des confréries au XVe siècle en sont de bons exemples.
C’est ce qui va se passer sans doute maintenant, nous entrons dans une ère des soulèvements**, soulèvements qui ne devraient plus avoir pour but une prise de pouvoir, mais une restauration de la puissance solidaire populaire.
*Cf. Michel Maffesoli, L’Ère des soulèvements, Cerf, 2021.
- Éditeur : Rue d’Ulm; 1er édition (6 mai 2021)
- Langue : Français
- Broché : 101 pages
- ISBN-10 : 2728807418
- ISBN-13 : 978-2728807413
- Poids de l’article : 180 g
- Dimensions : 15 x 1 x 21 cm
Il faut noter que ce livre est paru en mars 2021, c’est-à-dire avant que ne s’ajoutent aux diverses mesures de confinement, isolement des personnes âgées, gestes barrières divers, la grande campagne de vaccination avec un libre choix imposé, un consentement peu éclairé et pas tout à fait libre etc. Tel que ce livre a le grand mérite d’être une réflexion impliquant un pas de côté par rapport aux controverses actuelles, qui permet de mieux comprendre en quoi cette crise sanitaire est en fait une crise de civilisation (cf. Maffesoli).
Bonjour, une nouvelle pétition pour le retrait du pass vaccinal est publiée sur change.org. De nouvelles informations du professeur Raoult et de Idriss Aberkane (vidéos). Vous pouvez la signer de façon anonyme ou non, merci d’avance. Nos libertés sont en danger. Votre voix compte, soyons solidaires. En faire la promotion serait un plus. Nous avons besoin de votre soutien.
Lien : https://chng.it/fc6wvTQf
Groupe télégramme https://t.me/stoppassvaccinal
“Un soulèvement qui ne devrait plus avoir pour but une prise de pouvoir, mais une restauration de la puissance solidaire populaire.” Macron qui “dit et fait ce qui lui plait”, est très proche de Charles X qui a gouverné la France de 1824 à 1830 de façon autocratique par ordonances que le Parlement ultra, qui lui était inconditionnellement favorable, enterrinait. Puis viennent les élections parlementaires de mai 1827. Un parlement libéral d’émancipation de la bourgeoise et du peuple est élu.