La Turquie a menacé la Grèce d'occuper les îles grecques de la mer Égée. Auparavant, le président Erdogan avait rappelé à Athènes le sort de la population grecque d'Izmir, massacrée par les Turcs. La congestion des pétroliers en Méditerranée fait également partie de l'affrontement entre Ankara et Athènes, qui s'est fortement intensifié au cours de l'année écoulée. Quel est le risque que les parties passent à de véritables hostilités ?
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« Celui qui sème le vent récoltera la tempête ! Soit la Grèce prendra du recul et suivra les accords, soit la Turquie prendra les mesures nécessaires. Une nuit et de manière inattendue », a déclaré aux journalistes Mevlut Cavusoglu, le ministre turc des Affaires étrangères.
La Grèce a remis en cause le statut de « zone démilitarisée » de deux îles en mer Égée
Comme on le voit, la partie turque est sujette à une forme poétique des menaces … En ce qui concerne la « visite de nuit », le subordonné cite le patron. En effet, lors d’une visite en Serbie, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait déclaré : « Ce n’est pas un rêve. Si je dis qu’on peut venir d’un coup une nuit, ça veut dire que le moment venu, on peut venir d’un coup une nuit… La Turquie ne sera pas arrêtée par le fait que les îles sont occupées par la Grèce. Nous prendrons les mesures nécessaires au bon moment. Cela peut arriver de manière inattendue et n’importe quelle nuit ».
Cavusoglu a développé cette idée : la Turquie peut remettre en cause la souveraineté des îles grecques dans la mer Égée par des actes, sans se limiter à des mots quant à leur occupation par la Grèce. Mais seulement si la Grèce continue d’y placer des armes, ce qui constitue une menace qu’Ankara ne peut ignorer. Par conséquent, « Athènes doit respecter les accords, ou la Turquie prendra les mesures nécessaires », a conclu le ministre. Auparavant, le ministère turc de la Défense avait annoncé le transfert de véhicules blindés par la Grèce vers les îles de Midilli (Lesbos) et Sisam (Samos) en mer Égée, lesquelles ont un statut de zone démilitarisées. Erdogan a parlé du même « incident » en déclarant qu’Athènes « paiera un prix élevé » si elle continue de « provoquer l’armée turque ».
« N’oubliez pas Izmir » : une référence au massacre de 1922 par les Turcs …
« Je ne veux dire qu’une chose à Athènes : n’oubliez pas Izmir ! » – a-t-il également rappelé lors d’une visite au festival de l’aviation, de l’astronautique et de la technologie, organisé dans la ville turque de Samsun. Et ici, il est allé trop loin avec ces métaphores hautement artistiques. Car seuls des obstacles purement administratifs empêchent la communauté mondiale de reconnaître la soi-disant catastrophe d’Asie Mineure – le massacre de la population en Asie Mineure en 1922 comme le génocide du peuple grec. Son apogée fut la destruction de la population grecque de la ville de Smyrne (aujourd’hui Izmir) par l’armée d’Atatürk. Ce n’est donc pas une bonne métaphore. Mais Recep Tayyip Erdogan est un « toxicomane ». De plus, à Ankara, il est communément admis que les Grecs d’Asie Mineure se sont suicidés et se sont noyés dans la mer Égée ! Comme l’avaient avant les Arméniens …
Mais qu’est-ce qui a tant excité les dirigeants de la Turquie pour menacer à nouveau de faire la guerre à leur voisin occidental, par ailleurs membre également de l’OTAN, tout en faisant des références au génocide ? Tout au long de l’année écoulée, la Grèce a mené des exercices militaires non-stop. Parfois de manière indépendante, parfois dans le cadre de l’OTAN, et parfois avec un groupe de soutien, qui, de façon circonstancielle, partage une hostilité commune envers les Turcs. Il s’agit de Chypre, de l’Égypte, d’Israël et de l’Arménie.
La principale raison de la formation d’une alliance aussi étonnante repose sur les projets d’Ankara de développer des gisements de gaz sur un plateau contesté de la mer Méditerranée, ainsi que sur les menaces traditionnelles contre Chypre. Les Égyptiens se sont également impliqués parce qu’ils ont leurs propres intérêts en Libye, qui se différencient des intérêts turcs. En gros, le maréchal Khalifa Haftar est soutenu au Caire, tandis que la Turquie équipe ses adversaires de drones.
Au cours de leurs exercices, les Grecs ont failli abattre un F-16 turc au-dessus de la mer Égée. Le pilote turc effectuait juste une mission de vol de l’OTAN, et la défense aérienne grecque, sur l’île de Crète, l’a « éclairé » avec le radar du système de guidage S-300. De nouveau, des menaces de mort poétiques ont plu sur Athènes. Puis, les Grecs, avec les forces spéciales égyptiennes, ont pratiqué « accidentellement » l’atterrissage (y compris en chute libre) sur Lesbos et Samos, y débarquant également des véhicules blindés. Certes, Lesbos et Samos, ainsi que les îles du Dodécanèse et Chios, sont le territoire souverain de la Grèce. Mais selon le « Traité de Lausanne » et ses éditions ultérieures, il s’agit d’une « zone démilitarisée » dans laquelle Athènes ne peut maintenir que des gardes-frontières.
Il est impossible de délimiter l’espace aquatique dans la mer Egée selon les règles internationales
Il n’y a pas de frontière entièrement délimitée dans la mer Égée, ni par voie maritime ni aérienne. Les grandes îles stratégiquement importantes de Lesvos, Chios et Samos sont situées à proximité de la côte turque de l’Asie Mineure. Il est impossible d’y délimiter l’espace aquatique selon les règles internationales connues. Si vous suivez la règle maritime de 12 milles, basée sur la souveraineté grecque des îles, alors la mer Égée devient un lac grec. Si, toutefois, une ligne de 12 milles est tracée, à partir de la côte continentale turque, les îles seront entourées par l’espace aquatique turc. Du coup, leur connexion avec la Grèce sera détruite.
C’est le même problème qui se pose avec l’espace aérien. Une tentative de délimitation avait été effectuée dans les années 1930. Mais les Allemands et les Italiens sont arrivés et il n’y a pas eu de disponibilité pour réaliser ce travail. Par conséquent, les Grecs fixent une zone de responsabilité de 6 milles, ce qui pour la Turquie est un casus belli. Pas une année ne se passe sans que quelqu’un soit abattu, ce qui rend prioritaire, et de façon urgente pour les deux pays, de disposer de systèmes de défense aérienne russes, comme le même système S-300. Soit dit en passant, le pilote de chasse Neil Erdogan, abattu par un Mirage grec en 1996, est considéré comme un héros national en Turquie.
De nombreux incidents aériens pouvant aller plus loin sur fond de « faiblesse » présumée de l’OTAN
Ainsi, la petite île d’Agios Efstratios est devenue un cimetière collectif pour les pilotes grecs et turcs. Dans l’écrasante majorité des cas, il s’agit de soi-disant provocations tactiques de la part des Turcs. Leurs F-16 volent dans la zone relevant de la Grèce et qu’Ankara considère comme la leur. Avant l’avènement des systèmes de défense aérienne russes chez les Grecs, tout cela se terminait par des batailles aériennes classiques. Il suffit maintenant d’éclairer le chasseur turc avec un radar pour qu’il parte vers l’est en postcombustion. Après cela, des cris fusent à partir d’Ankara comme « nous descendrons la nuit » et « nous répéterons Izmir ».
Bien entendu, rien n’indique la possibilité d’une guerre à grande échelle entre deux pays membres de l’OTAN, comme ce fut le cas en 1974 à Chypre. Néanmoins, une grande partie de ce qui était auparavant impossible est devenue réaliste. Les événements en Ukraine ont convaincu Ankara de la faiblesse de l’OTAN, et une telle conviction pourrait inciter les Turcs à passer à une solution énergique, d’abord en mer Égée, puis autour des champs de gaz contestés en mer Méditerranée.
Alors qu’Athènes est déchirée entre le respect de ses obligations dans le cadre de l’Alliance nord-atlantique (dont la fourniture d’armes aux forces armées ukrainiennes) et la tentative de maintenir la parité en mer Égée, Ankara se comporte plutôt de manière agressive.
Les dirigeants et diplomates turcs ont longtemps et régulièrement utilisé un discours oriental offensif : rappelons que le ministre Cavusoglu est l’un des idéologues du « panturquisme » et du « néo-ottomanisme », ce qui implique le retour des terres de l’ancien empire ottoman dans les Balkans. A chaque nouvel incident en mer Égée ou dans l’espace aérien au-dessus des îles, leur rhétorique devient de plus en plus dangereuse.
Les Grecs, quant à eux, restent silencieux, bien que leur comportement repose sur un récit qui tourne également autour du revanchisme. La « catastrophe d’Asie Mineure » de 1922 est déjà devenue un élément d’ethnographie et de tourisme culinaire en quatre-vingt-dix ans : tous les noms de restaurants et de plats locaux contenant le mot « polis » – « la ville » suggérant ainsi Constantinople – font référence à la culture des Grecs d’Asie Mineure. Les Grecs d’Asie Mineure qui survécurent en 1922 ne partirent pas tant pour la Grèce que pour l’Europe et les USA (l’Onassis en est un exemple). Cependant, ils n’eurent jamais une forte influence sur la politique étrangère d’Athènes. Mais le souvenir du récit du massacre est resté dans leur mémoire.
La congestion de pétroliers sur le Bosphore n’est pas sans lien avec ce contentieux
Si la Grèce s’est récemment opposée à l’introduction d’un prix plafond pour le pétrole russe, ce n’est par amour de la Russie, mais parce que c’est la flotte grecque de pétroliers qui transporte ce pétrole. Et l’embouteillage qui est intervenu sur le Bosphore, organisé par les autorités turques, ne touche que les revenus de la Grèce. Fait révélateur, tout cela au milieu d’une nouvelle flambée de conflit sur les îles de la mer Égée.
Pendant plusieurs années, aucune consultation entre la Turquie et la Grèce sur la question de la mer Égée n’a eu lieu. A tout le moins, ils ont repris en janvier de cette année, mais à l’été, ils ont été interrompus en raison d’incidents réguliers. Le conflit semble insoluble, si nous opérons avec les normes diplomatiques habituelles. Car la géographie de la région contestée est telle que les normes habituelles du droit international n’y fonctionnent pas.
Dans des cas aussi complexes, il est nécessaire de rechercher des méthodes « non standard » comme la démilitarisation des îles. Mais alors une partie de la côte continentale de la Turquie devrait être démilitarisée, et Ankara ne l’acceptera jamais. Trouver une autre solution « non standard » est également difficile pour des raisons nationales, historiques et ethniques. A cela s’ajoute la crise des réfugiés d’Asie et d’Afrique, à la suite de laquelle les îles de la mer Égée se sont transformées en une immense base de transbordement, avec une mafia internationale. Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg, sous laquelle, existe des ambitions historiques qui risquent de se transformer en de véritables affrontements.
La partie expliquant l’impossible délimitation de l’espace maritime et aérien des deux pays m’a particulièrement intéressé.
A savoir : une prophétie attribuėe à un Saint grec du XXème siècle Saint Paissos est bien connue d’une partie des populations grecque et russe, dans l’Eglise orthodoxe mais aussi je crois dans une partie des armées grecque et russe. Cette prophétie n’est pas reconnue officiellement par les Églises orthodoxes, mais une partie non négligeable des Orthodoxes y croient. Or cette prophétie prédit la destruction, totale, du peuple turc. Dans la prophétie un tiers meurt, un tiers se convertit au christianisme et un tiers repart en Asie centrale après une guerre menée par la Russie. Istanbul, conquise, est donnée aux Grecs, les Russes se retrouvant embarrassée par cette conquête sur le chemin de leur objective militaires. Autrement dit Constantinople rejoint le giron historique byzantin.
Les Turcs savent que Grecs et Russes ont cette prophétie en tête, quelque crédit qu’ils lui accordent. Je me demande si le confesseur de Poutine, le moine Tikhon, croît lui-même en cette “prophétie”.
“de leurs objectifs militaires”
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