Aujourd’hui, la Belgique célèbre le drame du Bois du Cazier, à Marcinelle, où en 1956, des centaines de mineurs, dont beaucoup d’Italiens, ont perdu la vie dans des circonstances épouvantables. Le Courrier commémore à sa manière cet événement douloureux en rappelant quelques souvenirs sur l’immigration italienne. Beaucoup de Français tendent à l’idéaliser. Mais les Italiens ont-ils été si “faciles” à intégrer qu’on ne cherche à nous le faire croire aujourd’hui ?
On rappellera qu’il a fallu à la Belgique plus de cinquante ans pour intégrer les immigrés italiens, avec des hauts et des bas. La patience est la mère de toutes les vertus.
Votre témoignage recoupe très précisément ce que ma grand-mère nous racontait enfant sur l’immigration italienne dans la vallée du Rhône. Merci mille fois. Par goût personnel j’aime écouter ce genre de témoignages devenu beaucoup trop rares. C’est ainsi qu’il a près de 40 ans, lors d’un dîner à la maison franco-japonaise de Tokyo, j’ai pu jouir du témoignage de colons qui racontaient leur vie quotidienne en Indochine du temps de la colonisation française. Un moment unique
L’immigration est toujours difficile et le déracinement suivi d’une arrivée dans un autre monde ne se fait jamais sans problème. Mais plus la distance culturelle est grande, plus les problèmes d’intégration se multiplient. De plus, à l’époque, les Italiens émigraient pour vendre leur courage et louer leur force de travail. Beaucoup de ceux-ci imaginaient rentrer un jour au pays, après s’être constitué une petite épargne. Sans vouloir caricaturer, l’immigration actuelle est souvent attirée par la perspective d’allocations sociales, d’un système médical plus performant et par le rêve illusoire que vendent les télévisions satellites, les séries Netflix et réseaux sociaux… L’immigration actuelle constitue souvent un saut dans l’inconnu, sans la moindre intention de revenir: un jeu de hasard où le gain est le plus souvent sans commune mesure avec la mise. Pour ne pas crever dans la misère sans la moindre perspective, beaucoup de jeunes de pays pauvres sont prêts tenter l’aventure, à risquer leurs économies et leur vie dans un voyage vers l’El Dorado. Quoi qu’il en soit, l’immigration augmente l’offre d’emplois sur le marché du travail et exerce donc une pression à la baisse sur les salaires. Les citoyens du pays d’accueil ressentent cela confusément, ce qui suscite une sourde hostilité, puisqu’ils se sentent impuissants pour s’opposer au phénomène. Dire que les Français refusent certains emplois est faux: il refusent ces emplois pour le salaire qu’on leur propose. Sans une concurrence étrangère, les emplois méprisés seraient considérablement mieux payés.
1/Je suis d’accord avec vous il faut que les natifs soient fiers de leur pays pour faciliter l’intégration voire l’assimilation des immigrés, mais un courant politique sénestre victimise l’immigration a des fins électoralistes. 2/ je pense que « l’immigration » provinciale au XIX siècle (bretonne, savoyarde, auvergnate) a du être douloureuse. 3/ vous le dites clairement il ne faut pas généraliser, ni essentialiser, mon grand père était italien né en 1895, est arrivé gamin en France et son assimilation a été parfaite, aucun écho familial de «macaroni» ….
Enfin quelqu’un qui rejoint mon point de vue. Encore aujourd’hui en Belgique, les premières vagues d’immigration n’ont pas été assimilées et nombre d’Italiens, Espagnols, Portugais ressentent toujours leurs racines du pays, même s’ils sont nés chez nous.
Il suffit de voir les drapeaux italiens lors d’une coupe de football, tous les prénoms italiens que l’on donne aux enfants. Mais c’est humain et on ne peut les blâmer.
Cette vague d’immigration nous a quand même donné des artistes, entrepreneurs, hommes et femmes politiques talentueux.
Quand j’étais enfant, nous accueillions les premiers “macaronis” comme on les appelait à cette époque. Les prisons et les files de chômage étaient peuplées en majorité d’italiens remplacés aujourd’hui par les maghrébins et demain par..
La seule différence est que leur culture et leur religion nous sont communes et dès lors nous avons pu intégrer plus facilement ces communautés qui ne crachaient pas sur le drapeau belge
Bonjour Eric
Merci pour ce temoignage
J apprécie d apprendre que tu es originaire de Liège. Belge moi aussi , j y ai parachevé mes études de spécialisation inter universitaire en hydrogéologie au LGIH Sart Tilman avec le professeur Montjoie. 1986.
Je ressens le besoin d apporter quelques nuances à ton message sur l immigration italienne. Non elle n était pas si cool. Voici une vision du côté « rital », dont je suis fier d être le descendant de la troisième génération . J ai gardé un contact régulier et fort avec le pays des origines, qui est mon pays de cœur. Moi même « immigré » en France depuis 1992.
Mon grand père Guiseppe est venu en France pour la reconstruction de Verdun .
J ai été traversé et touché par les récits de mon père sur cette période.
Guiseppe a quitté son village natal des hautes alpes bergamasques. Alta val camonica, 1500 m. Une vie paysanne difficile. Une montée des extrémismes…Après un périple en Argentine où il n a pas trouvé l eldorado et dont il est revenu par un convoi qui ramenait du renfort pour les combats de tranchées à la verticale dans les montagnes proches de la frontière avec l Autriche, au Passo Tonale, entre Lombardie et Trentin.
J ai chez moi la photo de mes grands parents jeunes mariés à Verdun. Ils étaient beaux, la classe d êtres simples et dignes de leur grandeur d âme.
Leurs souvenirs….des tracasseries permanentes des autorités. Car les immigrations transportent toujours cette part de difficultés, de rejets, de violences et de dérives . Les névroses humaines ne connaissent ni les frontières ni les «nations »….d où ce que tu décris de tes connaissances de jeunesse a Liège.
Après Verdun, les hasards de la vie ont amené mon grand père à se poser en Belgique, en Gaume, Virton puis Orsainfaing.
Menuisier charpentier, d abord honteusement exploité par des autorités ecclésiastiques locales , il a donné sa vie à son métier d independant et à la subsistance de sa famille , composée de 9 enfants. Issus d un premier mariage, puis d un second.
Sa première épouse est décédée en Belgique. Giuseppe désemparé est retourné en Italie, dans son village d altitude pour en ramener une ancienne amoureuse, ma grand mere, Giacomina. Elle gérait la famille comme on le faisait dans les montagnes, apportant subsistance et réconfort. Une vache, un prés, un jardin. Le cœur volontaire de la montagne, c est à dire avec une certaine rudesse que l ambiance belge locale et réfractaire amplifiait par nécessité de tenir.
Je garde pourtant de mes souvenirs de jeune enfance une impression de reconnaissance de mes grands parents aimants. Car là haut, dans « nos « montagnes, la vie était précieuse.
L est elle encore ? Méloni ne nous le dira pas …
Certes pour eux les conditions de vie en pays plat n étaient pas celles de l âpreté de la haute montagne.
Et pourtant, cette famille marquée par l honnêteté et l intégrité du menuisier et de son épouse paysanne , elle a vécu les agressivités, le mépris, la malhonnêteté, le vol, des belges profitant de la faiblesse de mes grands parents pris par la nécessité de s intégrer et de ne pas « faire de vagues ».
Et ici je tairai les détails des événements qui ont amené un de mes oncles mort à 3 ans et qui restent dans ma mémoire. Non l immigration italienne n était pas facile pour les italiens.
Giuseppe et Giacomina ont juste été ce qu ils étaient, des êtres honnêtes, volontaires et entreprenants pour les leurs. Ils ont acheté deux maisons. Source de jalousies et de calomnies.
Puis est arrivée la guerre, encore.
Des voisins belges attentionnés ont dit à Giuseppe : tu as peut être intérêt à fuir l invasion allemande car ici on pourrait t accuser d être un partisan de mussolini qui est avec Hitler.
Ils sont partis, pour Taize dans les deux sevres. Mon papa m a décrit son angoisse d enfant de voir son père suivre le bus en vélo, pas de place , trop cher….
Rapatries en Belgique rattrapés par l avancée nazie.
L intégration n a pas été simple.
Même pour les familles honnêtes, respectueuses, discrètes.
Je me souviens en 1995, à Reims, de propos encore violents sur les « ritals »….
Les imaginaires, cristallisés par des cas particuliers, ont la vie dure. La peur de l autre, différent.
Car la bêtise humaine et ses peurs sont insondables et éternelles.
Je veux ajouter l âpreur de la vie minière… mon père pour financer ses études d enseignant en Belgique a travaillé dans les mines avec les italiens. Main d œuvre troquée contre du charbon comme le rappelle Eric. Papa a vu des corps empalés par des tuyaux, les journées exténuantes à ramper dans des filons étroits, il a vécu avec sang froid au fond du puits de Marcinelle l épisode du bois du casier. Les tailles entre les deux concessions avaient été vidées du charbon… pas de séparation. Il a fait remonter tous ses compagnons en surface. Et leur a ensuite annoncé « il y a le feu au bois du casier »…
Je veux rappeler aussi les pogroms en France visant les italiens, ne les oublions pas ! Ils ont été bien plus violents que ce qu on vit actuellement face à une immigration extra européenne.
Mon père , Fernand Tomasi, enseignant de lettres en Belgique, a été aussi un artiste poète et sculpteur,
Il n a cessé d exprimer ces origines alpines tout en magnifiant cette vie d immigré en Belgique.
Il a laissé beaucoup d œuvres magistrales et monumentales dans le Sud de Belgique .
Et une œuvre monumentale en hommage à ses frères italiens . A Liege. Un Cube de « Petit Granit« belge, sur une structure métallique rappelant les tours des « ascenseurs » vers l enfer des tailles. Cube en forme de dé symbolisant ce jeu de hasard de la Mora pratiqué par les italiens et ce jeu cruel de la vie dans lequel ces immigrés italiens se sont perdus.
Ou retrouvés…
Car l histoire qui se répète inlassablement porte toujours ses couleurs sang de la vie, de la révolte et de l amour.
Le petit fils qui vous écrit témoigne de cette reconnaissance de l humain, de la vie et des origines profondes.
Puissions tous en être conscients et apporter nuances, fermeté et humanité en face des turbulences de ce monde.
Bruno Tomasi
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