Jour 567 – Les Etats-Unis voudraient geler le conflit en Ukraine. L’idée se répand de plus en plus à Washington, Paris, Bruxelles, Londres, que la guerre ne peut plus être gagnée par l’Ukraine. Mais comment faire pour que la Russie ne gagne pas la guerre? Il y a quelques jours nous parlions des tentatives américaines d’enfoncer un coin dans les BRICS, en particulier en s’appuyant sur les tensions qui persistent entre l’Inde et la Chine. Ces derniers jours, Anthony Blinken et d’autres ont parlé de livraisons de missiles à longue portée à l’Ukraine. L’idée est toujours la même: faire peur à la Russie et la forcer à négocier aux conditions américaines. En réalité, la prise de conscience américaine du retard pris par le Pentagone dans les armes hypersoniques nous indique que la peur est plutôt désormais du côté américain. La Russie, elle, considère qu’elle a son temps, à l’abri de ses armes hypervéloces et du niveau de dissuasion non nucléaire qu’elles établissent. Moscou aura atteint ses objectifs militaires en Ukraine longtemps avant que les USA ne soient en possession de cette “dissuasion hypersonique” qui change la donne. Les Etats-Unis sont, en fait, dans une situation comparable, face à la Russie (et la Chine), à celle de l’URSS lorsqu’elle ne possédait pas encore l’arme atomique ‘1945-1949). Les rôles sont inversés. Et il est peu probable que les USA de Biden sauront rejoindre le club hypersonique aussi vite quel’URSS avait rejoint le club nucléaire.
J’ai déjà évoqué cette semaine l’article du Wall Street Journal qui fait état d’une inquiétude grandissante, à Washington, devant le retard américain en matière d’armes hypersoniques. Il s’agit en fait d’une panique croissante, que le journal essaie de rendre présentable:
L’arme lancée par Pékin au-dessus de la mer de Chine méridionale s’est déplacée à une vitesse de plus de 15 000 miles par heure (…).
Volant à au moins 20 fois la vitesse du son, elle pourrait atteindre n’importe quel point du globe en moins d’une heure.
Le vol d’essai de l’été 2021 s’est achevé par l’impact du missile près d’une cible en Chine, mais il a provoqué une onde de choc à Washington. Les responsables de la sécurité nationale ont conclu que Pékin avait lancé une arme hypersonique, c’est-à-dire un projectile capable de voyager à une vitesse au moins cinq fois supérieure à celle du son.
Ces armes peuvent attaquer à une vitesse extrême, être lancées à grande distance et échapper à la plupart des défenses aériennes. Elles peuvent transporter des explosifs conventionnels ou des têtes nucléaires. La Chine et la Russie sont prêtes à les utiliser. Ce n’est pas le cas des États-Unis.
Depuis plus de 60 ans, les États-Unis ont investi des milliards de dollars dans des dizaines de programmes visant à développer leur propre version de la technologie. Ces efforts se sont soldés par des échecs ou ont été annulés avant même d’avoir eu une chance de réussir.
Washington, qui a passé les dernières décennies à se concentrer sur la lutte contre les terroristes et les insurgés, consacre à nouveau des ressources à la technologie hypersonique. Le budget 2023 du Pentagone prévoit plus de 5 milliards de dollars pour ces armes. Les États-Unis font également appel au secteur privé, notamment aux investisseurs en capital-risque de la Silicon Valley, pour les aider à les développer à un degré rarement atteint par le passé.
Wall Street Journal
En réalité, l’article en dit beaucoup sur la distorsion de la réalité qui caractérise la réflexion militaire et stratégique américaine. On peut raisonnablement supposer que la Maison Blanche et le Pentagone, à l’été 2021, tout à leur peur de la Chine, ont fait le calcul qu’ils allaient attirer la Russie, en Ukraine, dans un nouvel Afghanistan, ce qui allait leur permettre de se consacrer à la préparation d’une future guerre avec la Chine.
Ce faisant, les décideurs américains ont complètement sous-estimé la Russie. Ils continuent à le faire:
Ces dépenses s’inscrivent dans le cadre de la lutte menée par les États-Unis pour rétablir leur position dominante dans le domaine des technologies militaires clés, alors qu’ils entrent dans une nouvelle ère de concurrence entre grandes puissances. Les États-Unis s’efforcent de ne pas se laisser distancer par la Chine dans toute une série de technologies militaires, allant de l’intelligence artificielle à la biotechnologie.
Les travaux de Moscou sur l’hypersonique préoccupent également le Pentagone, même si les armes russes sont essentiellement basées sur les recherches de la guerre froide et ne sont pas aussi sophistiquées que celles que la Chine est en train de mettre au point. Moscou a mis au point des armes capables de menacer les forces de l’OTAN en Europe, et le président russe Vladimir Poutine a vanté les mérites de l’Avangard, une arme hypersonique capable d’atteindre les États-Unis.
Wall Street Journal
Ensuite vient l’aveu:
Les problèmes rencontrés par le Pentagone dans le développement de l’hypersonique se situent en amont et en aval de la chaîne de décision, depuis l’échec des essais en vol et l’inadéquation de l’infrastructure d’essai jusqu’à l’absence d’un plan clair et global pour la mise en service de ces armes. Cette situation suscite l’inquiétude de certains anciens fonctionnaires.
“Mon inquiétude quant à l’absence de progrès dans le domaine de l’hypersonique ne fait que croître”, a déclaré John Hyten, qui était vice-président de l’état-major interarmées lors du vol d’essai chinois. Aujourd’hui à la retraite, M. Hyten a déclaré : “Nous devons aller plus vite dans de multiples domaines : “Nous devons aller plus vite dans de multiples directions.
Wall Street Journal
(…)
Entre les mains de puissances telles que la Chine ou la Russie, les missiles hypersoniques pourraient modifier l’équilibre stratégique qui sous-tend depuis longtemps la politique de défense des États-Unis. Si l’armée américaine reste la plus puissante du monde, les missiles hypersoniques pourraient aider un adversaire à remettre en cause cette supériorité en échappant aux systèmes américains d’alerte précoce conçus pour détecter les attaques contre l’Amérique du Nord, ou en frappant les moyens navals américains, notamment les porte-avions, ainsi que des bases clés à l’étranger.
L’avance de la Russie en matière d’armes hypersoniques confirmée dès 2018 par le physicien Jean-Pierre Petit
En 2018, beaucoup ont ricané lorsque Vladimir Poutine a fait projeter des vidéos sur les armes hyper-véloces. Pourtant, très vite, le physicien français Jean-Pierre Petit, à l’origine de la théorie de la magnéto-hydro-dynamique, conseillait de prendre au sérieux le président russe. Prenez le temps de regarder la vidéo, très pédagogique::
Il ne faisait aucun doute, dès 2018, que les Russes maîtrisaient la combinaison de technologie des matériaux composites, d’électromagnétique et de propulsion nucléaire (dans les airs et sous l’eau). En une vingtaine d’années, depuis que George W. Bush avait déchiré le traité ABM (qui limitait le développement des systèmes anti-missiles), la Russie avait trouvé le moyen de percer tout système de défense adverse.
En 2018, le président russe pensait pouvoir se permettre de dire que son pays était en avance sur le reste du monde, donc y compris la Chine. Comme l’expliquait très clairement Jean-Pierre Petit, la Russie avait élargi le champ des armes de dissuasion. Depuis février 2022, j’ai insisté sur la révolution que représente l’apparition d’un seuil non nucléaire de la dissuasion. Car les armes hypersoniques, électromagnétiques, à propulsion nucléaire, que maîtrise la Russie (et de plus en plis la Chine) permettent de menacer l’adversaire d’une destruction maximale, mais sans les séquelles de la radioactivité.
Retour sur dix-huit mois d’analyse de la “stratégie hypersonique” de Vladimir Poutine
Dès le début du conflit en Ukraine, au Courrier des Stratèges, nous avons insisté sur l’avance russe et chinoise.sur l’Occident. Eric Verhaeghe a montré que les dirigeants occidentaux prenaient un risque considérable à affronter la Russie et, de plus en plus, la Chine, tout en ayant beaucoup de retard sur l’arme hypersonique.
J’ai proposé,quelque semaines après le début de la guerre, de lire la stratégie russe en Ukraine – déconcertante pour l’observateur par sa prudence, l’avancée en sous-effectifs et son absence de but territorial lisible – comme se déployant à l’abri des nouvelles armes hypervéloces et furtives russes. Cette stratégie a permis aussi d’épargner autant que possible la population civile ukrainienne.
Nous avons rendu compte de l’utilisation de l’arme hypersonique par la Russie. Car la guerre d’Ukraine représente les premières occasions d’utiliser l’arme hypersonique en conditions réelles sur le champ de bataille. La plus spectaculaire a eu lieu en mars 2023, lorsque la Russie a détruit un centre de commandement ukrainien, dans la région de Lvov, où se trouvaient des officiers de l’OTAN (nombreux). Et celles qui ont causé le plus de dénégations sont les destructions de systèmes Patriot par des Kinjal.(L’article du Wall Street Journal reprend la fable d’interceptions de missiles Kinjal par des missiles ukrainiens).
Avec Alexandre N, nous avons suivi la montée de cette panique, au Pentagone, que le Wall Street Journal se charge de filter, pour qu’elle soit acceptable pour un public américain qui croit encore que les Etats-Unis ont la meilleure armée du monde. Vous comprendrez aussi, en suivant les explications de notre expert des questions militaires, que c’est la Chine qui a besoin de la Russie et non le contraire, en ce qui concerne les armes hypersoniques: la Chine ne dispose pas encore de missiles d’une portée suffisante si elle devait frapper les porte-avions américains qui resteraient prudemment à 3000 kilomètres de ses côtes, en cas de guerre sur Taïwan.
Enfin, Alexandre N. a souligné à de nombreuses reprises le déni de réalité américain sur les nouvelles armes de dissuasion russe. C’est ce qu’il appelle les difficultés de la “stratégie du fort au fou“. Malgré les frappes de Kinjal, les USA s’obstinent à penser que la Russie peut perdre la guerre d’Ukraine.
Vers une stratégie d’usure américaine?
Semaine après semaine, nous assistons en Ukraine au même enchaînement d’événements: une vague d’attaques ukrainiennes contre les lignes de défense russes; des frappes nocturnes de missiles et de drones russes sur des objectifs militaires ukrainiens à travers tout le pays; des lancers de drones et de missiles ukrainiens vers quelques objectifs symboliques en Russie, essentiellement la Crimée.
Je recommande de continuer à suivre southfront.org, qui propose une chronique régulière et fiable des événements militaires. (pour cette semaine, voir par exemple ici (sur les pertes ukrainiennes gigantesques et de plus en plus difficiles à cacher, de l’aveu même d’un général ukrainien) ici (un bon résumé de la semaine du 11 au 17 septembre) et ici (pour le point le plus à jour).
Je livre ici un point de vue russe, trouvé sur le canal Telegram “Slavyangrad”. L’auteur donne des raisons d’être inquiet, du point de vue russe devant la guerre d’usure que semblent vouloir mettre en place les Américains:
La transition des Américains dans la guerre en Ukraine vers une stratégie de guerre d’usure est plus qu’une menace sérieuse pour [la Russie]. Oui, les États-Unis ont fait une grave erreur de calcul en misant tout sur une défaite militaire décisive de la Russie pendant la campagne du printemps et de l’été. En conséquence, les forces armées ukrainiennes ont subi de lourdes pertes en hommes et en matériel (jusqu’à 50 000 morts, plus de 200 chars, 200 canons et jusqu’à 1 800 véhicules blindés de toutes catégories), sans percer la ligne de défense russe et en restant bloquées dans la zone de soutien. Mais en se battant avec du matériel humain étranger et en contrôlant complètement la mentalité de la population ukrainienne, les États-Unis peuvent ignorer les échecs militaires et continuer à faire la guerre, et c’est ce qu’ils font, en reconstruisant leur stratégie à la volée.
Il est déjà possible d’identifier les principaux éléments de la nouvelle stratégie.Le premier est un pari sur la “guerre d’infanterie” – le “face à face” avec l’utilisation massive de l’artillerie. Son essence est simple : des attaques méthodiques par des groupes d’infanterie, suivies d’attaques d’artillerie le long de la ligne de front. L’objectif est de forcer les Russes soit à économiser du personnel, à abandonner leurs positions, à permettre aux forces armées ukrainiennes d’avancer, soit à accepter le combat rapproché et à subir des pertes comparables à celles des forces armées ukrainiennes.
Utiliser l’équipement militaire de façon minimale, en le préservant et en l’accumulant pour la prochaine étape de l’offensive ou pour des attaques locales. D’ici la fin du mois de décembre, les principales pertes de véhicules blindés et d’artillerie seront reconstituées grâce aux réserves américaines et aux transferts des troupes de l’OTAN.
Il s’agit d’amener la guerre à un niveau où les pertes des forces armées russes en hommes deviendront sensibles pour la société russe et, à long terme, un facteur de tension sociale.Le second est le transfert maximal de la guerre vers l’intérieur du territoire russe à l’aide de missiles à longue portée, de drones (dont il est prévu d’augmenter plusieurs fois la production) et d’activités de sabotage avec des attaques sur des infrastructures militaires et industrielles vulnérables. La tactique bien connue des “mille piqûres d’épingle”, qui se traduit par un “effet cumulatif” des dommages, ainsi que la démoralisation de la société, donnent à celle-ci le sentiment que l’Ukraine détient fermement l’initiative et qu’elle impose sa stratégie de guerre à la Russie.
Le troisième objectif est, à l’aide d’attaques aériennes et maritimes continues, de transformer définitivement la Crimée en une zone de front, ce qui devrait démoraliser la population de Crimée, la diviser, provoquer un mécontentement général des Criméens à l’égard des autorités russes et les préparer au “retour” de l’Ukraine dans cette région.
Le quatrième est le renforcement maximal de la défense aérienne des principales zones arrière, la création de “zones de sécurité” où il est possible de déployer une production militaire, ainsi que des centres de logistique et d’entraînement à l’arrière. À cette fin, en 2024, il est prévu de transférer au moins trois batteries Patriot supplémentaires des troupes de l’OTAN en Europe, ainsi qu’au moins huit batteries IRIS-T et NASAMS.
Le cinquième est la formation de “nouvelles” forces aériennes des forces armées ukrainiennes en 2024 et leur transition vers la flotte aérienne occidentale avec le transfert d’au moins 100-150 chasseurs et chasseurs-bombardiers, porteurs de missiles de croisière dans un délai d’un an.
Slavyangrad (Telegram)
L’objectif général est de transformer l’Ukraine en 2024 en un espace militaire unique, où tout est subordonné à une seule tâche : la guerre jusqu’à la victoire.
Le texte est intéressant dans la mesure où il se met à la place du Pentagone et des planificateurs américains. Cependant, l’auteur semble oublier que la guerre d’usure, c’est la Russie qui la mène depuis le printemps 2022. Après l’échec des négociations d’Istanbul, fin mars 2022, le commandement russe s’est installé dans la perspective d’une guerre d’usure de l’armée ukrainienne et de l’OTAN.
Là encore, je renvoie à ce que nous avons expliqué avec le temps: on peut considérer quel’armée de la contre-offensive est la troisième armée ukrainienne entraînée par l’OTAN qu’affrontent les Russes.
La première est celle qui a été défaite et largement privée de son équipement militaire par les frappes russes de précision entre février et août 2022.
La deuxième est celle qui a surpris l’armée russe à Kharkov et devant laquelle l’armée russe a effectué un repli tactique à Kherson. Cette “deuxième” armée ukrainienne a ensuite absorbé l’essentiel de ses forces à défendre en vain Bakhmout (août 2022-avril 2023).
La “troisième” armée ukrainienne est celle qui mène la contre-offensive. Et dont on estime qu’elle a déjà 70 000 tués. Il ne fait aucun doute que l’usure est du côté ukrainien. Cependant, comme toujours, il nous faut élargir la perspective et envisager la vue géopolitique globale avec notre expert favori: M.K.Bhadrakumar!
M.K. Bhadrakumar explique pourquoi la Russie refusera le “conflit gelé” souhaité par les Etats-Unis
La guerre terrestre en Ukraine est arrivée à son terme, une nouvelle phase s’ouvre. Même les partisans inconditionnels de l’Ukraine dans les médias occidentaux et les groupes de réflexion admettent qu’une victoire militaire sur la Russie est impossible et qu’une libération du territoire sous contrôle russe est bien au-delà des capacités de Kiev.
D’où l’ingéniosité de l’administration Biden qui a exploré le plan B en conseillant à Kiev d’être réaliste quant à la perte de territoires et de rechercher pragmatiquement le dialogue avec Moscou. Tel est le message amer que le secrétaire d’État américain Antony Blinken a récemment transmis en personne à Kiev.
Mais la réaction caustique du président Zelensky lors d’une interview accordée au magazine The Economist est révélatrice. Il a répliqué que les dirigeants occidentaux continuaient à tenir de beaux discours, s’engageant à soutenir l’Ukraine “aussi longtemps qu’il le faudra” (le mantra de Biden), mais lui, Zelensky, a détecté un changement d’humeur chez certains de ses partenaires : J’ai cette intuition, je lis, j’entends et je vois leurs yeux [lorsqu’ils disent] “nous serons toujours avec vous”. Mais je vois qu’il ou elle n’est pas là, pas avec nous”. Il est certain que M. Zelensky lit bien le langage corporel, car en l’absence d’un succès militaire écrasant à brève échéance, le soutien de l’Occident à l’Ukraine est limité dans le temps.
Zelensky sait qu’il sera difficile de maintenir le soutien occidental. Il espère toutefois que l’Union européenne, à défaut des Américains, continuera au moins à fournir de l’aide et qu’elle ouvrira des négociations sur le processus d’adhésion de l’Ukraine, peut-être même lors de son sommet de décembre. Mais il a également brandi la menace voilée d’une pression terroriste sur l’Europe, avertissant que ce ne serait pas une “bonne histoire” pour l’Europe si elle devait “pousser ce peuple [d’Ukraine] dans ses derniers retranchements”. Jusqu’à présent, ces menaces sinistres ont été atténuées, émanant d’activistes de bas rang de la frange fasciste de Bandera.
Mais l’Europe a aussi ses limites. Les stocks d’armes occidentaux sont épuisés et l’Ukraine est un puits sans fond. Plus important encore, il n’est pas certain que la poursuite des livraisons fasse la moindre différence dans une guerre par procuration qui ne peut être gagnée. En outre, les économies européennes sont dans le marasme, la récession en Allemagne pourrait se transformer en dépression, avec les conséquences profondes de la “désindustrialisation”.
En d’autres termes, la visite de Zelensky à la Maison Blanche dans les prochains jours sera déterminante. L’administration Biden est d’humeur sombre, estimant que la guerre par procuration entrave la mise en œuvre d’une stratégie indo-pacifique à part entière contre la Chine. Pourtant, lors d’une apparition dans l’émission This Week sur ABC, M. Blinken a explicitement déclaré pour la première fois que les États-Unis ne s’opposeraient pas à ce que l’Ukraine utilise des missiles à plus longue portée fournis par les États-Unis pour attaquer en profondeur le territoire russe, une initiative que Moscou a précédemment qualifiée de “ligne rouge”, ce qui ferait de Washington une partie directe du conflit.
Le célèbre historien militaire américain, penseur stratégique et vétéran du combat, le colonel (en retraite) Douglas MacGregor (qui a servi de conseiller au Pentagone pendant l’administration Trump), est prémonitoire lorsqu’il dit qu’une nouvelle “phase de la guerre de Biden” est sur le point de commencer. En d’autres termes, les forces terrestres étant épuisées, l’accent sera désormais mis sur les armes de frappe à longue portée telles que le Storm Shadow, le Taurus, les missiles à longue portée ATACMS, etc.
Les États-Unis envisagent d’envoyer des missiles à longue portée ATACMS, que l’Ukraine réclame depuis longtemps et qui ont la capacité de frapper à l’intérieur du territoire russe. L’aspect le plus provocateur est que les plateformes de reconnaissance de l’OTAN, avec ou sans pilote, seront utilisées dans ces opérations, faisant des États-Unis un co-belligérant virtuel.
La Russie a fait preuve de retenue en s’attaquant à la source de ces capacités ennemies, mais personne ne sait combien de temps cette retenue durera. En réponse à une question sur la façon dont Washington verrait les attaques sur le territoire russe avec des armes et des technologies américaines, M. Blinken a affirmé que le nombre croissant d’attaques sur le territoire russe par des drones ukrainiens concernait “la façon dont ils [les Ukrainiens] vont défendre leur territoire et dont ils s’efforcent de reprendre ce qui leur a été confisqué. Notre rôle [celui des États-Unis], comme celui des dizaines d’autres pays qui les soutiennent, est de les aider à y parvenir”.
La Russie n’acceptera pas une escalade aussi effrontée, d’autant plus que ces systèmes d’armes avancés utilisés pour attaquer la Russie sont en fait pilotés par du personnel de l’OTAN – des contractants, d’anciens militaires entraînés ou même des officiers en exercice. Le président Poutine a déclaré aux médias vendredi que “nous avons détecté des mercenaires et des instructeurs étrangers à la fois sur le champ de bataille et dans les unités où se déroule l’entraînement. Je pense qu’hier ou avant-hier, quelqu’un a encore été capturé”.
Le calcul des États-Unis est qu’à un moment donné, la Russie sera contrainte de négocier et qu’un conflit gelé s’ensuivra, dans lequel les alliés de l’OTAN conserveront la possibilité de poursuivre le renforcement militaire de l’Ukraine et le processus menant à son adhésion à l’Alliance atlantique, et permettront à l’administration Biden de se concentrer sur l’Indo-Pacifique.
Cependant, la Russie ne se contentera pas d’un “conflit gelé” qui est loin d’atteindre les objectifs de démilitarisation et de dénazification de l’Ukraine qui sont les objectifs clés de son opération militaire spéciale.
Face à cette nouvelle phase de la guerre par procuration, la forme que prendront les représailles russes reste à déterminer. Il pourrait y avoir de multiples façons sans que la Russie n’attaque directement les territoires de l’OTAN ou n’utilise d’armes nucléaires (à moins que les États-Unis n’organisent une attaque nucléaire – dont les chances sont nulles à l’heure actuelle).
D’ores et déjà, il est possible d’envisager la reprise potentielle de la coopération militaro-technique entre la Russie et la Corée du Nord (y compris, éventuellement, la technologie des missiles balistiques intercontinentaux) comme une conséquence naturelle de la politique agressive des États-Unis à l’égard de la Russie et de leur soutien à l’Ukraine, tout autant que de la situation internationale actuelle. Le fait est qu’aujourd’hui, il s’agit de la Corée du Nord ; demain, ce pourrait être l’Iran, Cuba ou le Venezuela – ce que le colonel MacGregor appelle “l’escalade horizontale” de Moscou. La situation en Ukraine est désormais liée aux problèmes de la péninsule coréenne et de Taïwan.
Le ministre de la défense, Sergueï Choïigu, a déclaré mercredi à la télévision d’État que la Russie n’avait “pas d’autre choix” que de remporter une victoire dans son opération militaire spéciale et qu’elle continuerait à progresser dans sa mission clé consistant à détruire les équipements et le personnel de l’ennemi. Cela laisse supposer que la guerre d’usure va encore s’intensifier, tandis que la stratégie globale pourrait s’orienter vers une victoire militaire totale.
L’armée ukrainienne manque cruellement d’effectifs. Rien qu’au cours de la “contre-offensive” de 15 semaines, plus de 71 000 soldats ukrainiens ont été tués. Il est question que Kiev cherche à rapatrier ses ressortissants en âge de servir dans l’armée parmi les réfugiés en Europe. D’autre part, dans l’attente d’un conflit prolongé, la mobilisation en Russie se poursuit.
Poutine a révélé vendredi que 300 000 personnes se sont portées volontaires et ont signé des contrats pour rejoindre les forces armées et que de nouvelles unités sont en cours de formation, équipées de types d’armes et d’équipements avancés, “et certaines d’entre elles sont déjà équipées à 85-90%”.
Il est fort probable qu’une fois que la “contre-offensive” ukrainienne se sera soldée par un échec massif dans quelques semaines, les forces russes lanceront une offensive de grande envergure. Il est même envisageable que les forces russes traversent le Dniepr et prennent le contrôle d’Odessa et du littoral menant à la frontière roumaine, d’où l’OTAN a lancé des attaques contre la Crimée. Qu’on ne s’y trompe pas : pour l’axe anglo-américain, l’encerclement de la Russie dans la mer Noire est toujours resté une priorité absolue.
Indian Punchline, 17 septembre 2023
Une petite animation qui permet de comprendre les évolutions de la puissance des pays
https://twitter.com/Saving_France/status/1662362356456759297?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1662362356456759297%7Ctwgr%5Ef099b1e7a32a196e158cafc873b478e6ea4a2b4c%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.egaliteetreconciliation.fr%2FProduction-comparee-d-ingenieurs-par-pays-72567.html
Merci pour cet article sans animosité qui détaille la situation militaire de la 3 ème guerre mondiale tout en restant accessible au non militaire. Pendant ce temps là les français gobent la propagande de l’OTAN comme ils se sont fait vaccinés, comme la majorité croient à l’urgence climatique, sommes nous un peuple de veaux ?
Non plus un peuple de veaux mais un peuple de vieux apeurés, avares, égoïstes, infantils, intellectuellement sclérosés par 50 ans de lavage de cerveau socialo-bourgeois-progressiste, incapables de voir la corruption totale du système sous sa façade de “valeurs” occidentales.
C’est exact
Je ne peux qu’être en accord avec M.K. Bhadrakumar , ayant suite à mes lectures et écoutes concernant ce conflit, de toutes sources, suggéré depuis la fin de l’année 2022 ce par quoi il termine son analyse . Et je maintiens que surtout la prise d’Odessa et le couloir vers la Transnitie seront les bases d’une négociation avec les USA , donc l’OTAN, mais avec un très strict contrôle. Un répit non négligeable pour un maintien plus durable d’une paix entre grandes puissances toujours aléatoire
Oericui c’est exactement ça ! Le général De Gaulle lui même a qualifié les français de veaux, Le général a toujours été un visionnaire.
Fausse manip … le début de mon commentaire est OUI, c’est exactement……etc.
Dommage que mon commentaire (celui où j’ai commis une fausse manip !) ait été censuré…..
Je résume , au cas où celui-ci ne passerait pas sous les fourches caudines….
Oui c’est exactement ça, les français sont des veaux comme l’a dit le Général De Gaulle. Le général était un visionnaire hélas pour la France et les français personne dans le paysage politique aujourd’hui n’a l’envergure du général, personne !!!
Nos compatriotes vont certainement re-voter pour le même profil de politicien qu’ils ont mis à la tête du pays depuis un peu plus de 42 ans pour le plus grand malheur de notre pays.
les russes montent leur armée en puissance, cela prend du temps. Ensuite, ils ne veulent plus aucun éléments de l’OTAN en Ukraine…
Sur un sujet aussi sensible et important que la MHD, Jean-Pierre Petit, le grand spécialiste, qui s’y consacre depuis 50 ans est ostracisé par ses pairs, mis de côté, ne reçevant aucun soutien financier pour ses recherches. Il en était de même de Luc Montagnier. Pauvre France qui met volontairement de côté ses plus brillants sujets.