La réaction bourgeoise sévit, après un long hiver passé au tremblement des émeutiers qui ont envahi Paris. Rien n’est trop beau désormais pour avilir la contestation populaire et pour revenir aux mesures les plus vexatoires et aux exclusions les plus farouches. Certains n’hésitent pas désormais à évoquer une dérive illibérale du régime, qui cherche à museler les oppositions et à imposer avec plus de virulence que jamais un ordre unique, unilatéral, dont le substrat repose sur la défense sans vergogne des élites parisiennes. Personne ne sait quand ce mouvement de balancier s’achèvera et entamera, avec peut-être plus de violence qu’attendu, son reflux.
C’est vrai qu’elle n’a pas fière allure, cette France de la Grande Peur et de la réaction bourgeoise qui prend sans état d’âme sa revanche contre les masses populaires qui l’ont mise en danger cet hiver. Partout où elle peut reprendre le contrôle de la situation, partout où elle peut mettre sa griffe pour dire son droit irréfragable à tenir le pays, elle agit. Et même les franges modérées de l’élite commencent à s’en sentir mal à l’aise.
Réaction bourgeoise et liberté de la presse
Par exemple, l’excellent Arnaud Benedetti et Virginie Martin co-signent une tribune dans le Huffington Post pour dénoncer le dérapage illibéral de Cédric O, le trésorier de la campagne d’Emmanuel Macron. Ce discret secrétaire d’Etat au Numérique a imprudemment plaidé, avant de se raviser, en faveur d’un ordre des journalistes qui aurait un pouvoir disciplinaire sur la profession. Ah! ces horribles journalistes et leurs pâles ombres d’Internet qui mine l’opinion publique avec des idées libertaires! comment les tolérer plus longtemps en République?
Il est vrai que les professions ordinales sont une invention de Vichy, qui avait trouvé de zélés collaborateurs pour faire régner l’ordre à sa place. Voilà qui fait un peu tâche, mais qui en dit long sur cette dérive autoritaire qu’on entend dans les milieux bourgeois du pays. Il faut désormais que l’ordre revienne, et qu’il règne, par-delà le folklore suranné des libertés publiques.
L’écologie, cette nouvelle religion bourgeoise
Dans le même ordre d’idée, tous ceux qui ont osé contester les mantra écologistes doivent désormais payer. La canicule qui secoue ces derniers jours de juin, on vous le répète, prouve irréfutablement que le réchauffement climatique est d’origine humaine. Tous ceux qui ont osé un peu de climato-scepticisme ou de climato-réalisme en contestant les fondements de la taxe carbone doivent donc être mis à l’index.
On retrouvera dans les discours de Brune Poirson cette espèce de ténacité bourgeoise qui consiste à ne rien lâcher, jusqu’à la déraison, sur un sujet qui prête à débat. Il faut à tout prix augmenter le prix du carburant pour éviter le recours à la voiture. Que cette mesure pénalise en priorité ceux qui n’ont pas les moyens de se loger près de leur travail, et en particulier près des zones métropolitaines, est tout simplement effacé de la carte, de la réalité, du regard. Reste une certitude qui devra devenir vérité: ceux qui prennent la voiture tous les jours doivent payer cet affront à Mère Nature.
Les classes dominantes, dans ce culte étrange rendu à une déesse païenne appelée Nature (qui ne dit pas son nom), effectuent ici un étrange basculement superstitieux dont il faudra un jour identifier les racines profondes. On aura quelques surprises. En attendant, il faut présenter les plus plates excuses, et multiplier les précautions oratoires lorsqu’on cherche à glisser l’idée que la canicule que nous traversons n’est pas sans précédent dans l’histoire du monde, bien avant qu’on invente le gaz à effet de serre.
La virulence et l’intolérance au pouvoir
En ces temps troublés, en ces temps de dérive autoritaire, la parole officielle se fait de plus en plus intimidante. Tout ce qui ressemble à un populiste, à un nationaliste, à un souverainiste, est banni par le pouvoir et par les dominants. On en veut pour preuve cette idée somme toute banale qu’avait eu le MEDEF d’organiser un débat sur le populisme lors de ses universités d’été, en invitant des représentants de la France Insoumise, des Gilets Jaunes et Marion Maréchal en personne.
L’idée paraissait intéressante sans être disruptive. Mais pour beaucoup d’élites conservatrices comme Laurence Parisot, pour les tenants de l’ordre, elle était bien trop révolutionnaire. La polémique a rapidement enflé. On imagine que les pressions en coulisse aussi. Et bim! le président du MEDEF a renoncé à son idée.
Impossible, dans la réaction bourgeoise, d’ouvrir une brèche en faveur du débat ni de la délibération démocratique.
Jusqu’à quand cela peut-il tenir?
Combien de temps la France pourra-t-elle vivre sous ce régime d’arrogance, d’intolérance, et de haine? Beaucoup imaginent qu’ils reprennent simplement leurs droits, le cours normal de l’histoire, et qu’ils renouent avec les principes d’une société bien gouvernée. D’où leur espèce de suffisance à imposer ces vexations au nom de la vertu.
Nous avons quelques doutes sur l’issue de ce traitement brutal. L’effilochage des Gilets Jaunes en capilotade était à peu près inévitable compte tenu du caractère horizontal, spontané, émotionnel de ce mouvement. Il aurait pu servir d’avertissement pour changer les choses et la règle du jeu. Dans son inconséquence, la canaille mondaine, comme dit l’excellent Maffesoli, n’a pas de limite et peut recommencer indéfiniment la même erreur pour conserver ses privilèges.
Le mouvement qui viendra après les Gilets Jaunes pour contester la réaction bourgeoise tirera pour sa part les leçons de ses échecs. Il sera plus structuré, plus virulent, et plus violent. Nul ne sait quand il reviendra, mais on peut faire confiance à nos élites pour attiser son départ.
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